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Poches -> Littérature |
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Monsieur Adolf H., artiste peintre. | | | Eric-Emmanuel Schmitt La part de l'autre Le Livre de Poche 2003 / 6.95 € - 45.52 ffr. / 503 pages ISBN : 2-253-15537-3 FORMAT : 11x18 cm Imprimer
Eric-Emmanuel Schmitt, auteur dramatique aux multiples succès, est aussi un écrivain qui se plaît à réécrire l'Histoire dans un sens inattendu. Pour L'Evangile selon Pilate (Albin Michel), il imagine une extravagante enquête policière, après la disparition du cadavre d'un magicien nazaréen que le Procurateur de Judée a laissé exécuter... Aujourd'hui, il récidive allègrement en s'attaquant au genre littéraire qu'est "l'uchronie" : imaginons qu'un jeune Autrichien du nom d'Adolf Hitler ait été admis à l'Ecole des beaux-arts de Vienne - dont il a dans la réalité raté deux fois l'examen d'entrée ? Qu'il ait consulté, à l'âge de vingt ans, un médecin développant une nouvelle science des soins de l'esprit : le docteur Freud... Lequel l'aurait débarrassé d'une grave névrose, prenant racine dans la haine de son père et entraînant, entre autres, la terreur de la sexualité ? "Y aurait-il eu une Seconde Guerre mondiale, cinquante-cinq millions de morts dont six millions de Juifs, dans un univers où Adolf Hitler aurait été peintre ?"
L'idée de départ est plus que séduisante, effectivement. Et avouons-le d'entrée : le roman est captivant. Sont mis en parallèle deux destins, celui d'Adolf H. le peintre, et celui d'Hitler, sous la forme d'une biographie à peine romancée. Avec un art consommé, Eric-Emmanuel Schmitt les fait diverger lentement mais inexorablement... jusqu'à produire deux individus tout à fait différents.
Il reste néanmoins difficile de croire à cet Adolf H. soigné en trois séances par le vénérable médecin à barbe blanche... et devenu - en conséquence - un authentique brave type, doublé d'un peintre surréaliste de talent. Aujourd'hui, on sait qu'il n'était pas atteint d'une simple névrose, mais d'une grave psychose paranoïaque : si ses monstrueux fantasmes n'avaient pas, par malheur, rencontré les démons de toute une époque, il aurait sans doute fini ses jours au fond d'un hôpital psychiatrique.
Un double plus équivoque et dissimulant quelques inavouables abîmes intérieurs aurait peut-être été plus vraisemblable. Mais il est difficile de bouder son plaisir devant un tel exploit narratif, devant une uvre aussi astucieuse et stimulante, qui vous emporte lestement sur les chemins d'un monde meilleur, tout en vous rappelant sans cesse qu'il n'a malheureusement jamais existé.
Isabel Nouvel ( Mis en ligne le 23/09/2003 ) Imprimer
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