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Poches -> Littérature |
| Isabel Allende Mon pays réinventé Le Livre de Poche 2005 / 6 € - 39.3 ffr. / 280 pages ISBN : 2-253-11355-7 FORMAT : 11x18 cm
Traduit par Nelly Lhermillier.
Première publication française en septembre 2003. Imprimer
Isabel Allende, de nationalité chilienne mais née au Pérou, apprend très tôt à boucler ses valises. En 1975, fuyant comme des milliers de ses concitoyens la dictature de Pinochet, deux ans après le coup dEtat, elle sexile au Venezuela. Cet exil, qui naurait pu être quune parenthèse dans sa vie, la transforme en écrivain, et même en star des lettres. La nièce de Salvador Allende est en effet, depuis son premier roman La Maison aux esprits, lécrivain latino-américain le plus lu au monde. Mon Pays réinventé nest pas un simple portrait émouvant et amusant du Chili. Ces 300 pages nous plongent au cur de la vie de lauteur qui livre les origines et les clés des personnages ou des lieux qui peuplent son uvre romanesque.
Sur un ton léger et tendre, Isabel Allende passe au crible le Chili, sa société, sa géographie, son histoire, sa culture
Le lecteur découvre, au travers de ce regard souvent ironique, un peuple attachant, décrit par des souvenirs enjolivés et une émotion débordante. Ce Chili «réinventé» est un lieu mythique où se mêlent nostalgie, amertume et simplicité. Certaines pages ressemblent à un guide pour touristes avec ses traditionnels conseils pratiques et son lot de détails croustillants sur la vie quotidienne, marquée au Chili par la générosité et la solidarité de ses habitants. Mais il ne faut pas sy tromper : Isabel Allende reconnaît à de multiples reprises que son récit nest en rien objectif et que les exagérations ne manquent pas au fil des pages. «Jai parfaitement conscience de ma subjectivité lorsque je décris ces faits. Je devrais vous les raconter sans passion mais ce serait trahir mes convictions et mes sentiments». On ne peut quadhérer à ces propos de lauteur car cest, à nen pas douter, cette touche personnelle qui donne à ce Chili et au livre tout entier son charme, charme sans lequel certains passages s'apparenteraient à un tableau figé de lieux communs.
Touche personnelle certes, mais surtout nostalgie. Cette «danse lente et circulaire» reflète à elle seule toutes les émotions qui traversent ce livre. «Les souvenirs ne sorganisent pas chronologiquement, ils sont comme la fumée, si changeants et éphémères que si on ne les écrit pas ils disparaissent». On est invité à se laisser porter par ce flot de souvenirs au risque de perdre le fil que même Isabel Allende ne maîtrise pas aisément. A travers son enfance, ses blessures et ses multiples voyages, on découvre un auto-portrait contrasté de lécrivain qui se confie au lecteur avec sincérité. Une certaine complicité sinstalle avec cette femme déterminée qui sest vu obligée de briser des liens et des attaches tout au long de sa vie.
De cet exil sont nés une envie, un besoin vital décrire, de faire revivre par lencre noire ce territoire de nostalgie et de mélancolie. La transformation de la bourgeoise frivole en écrivain accompli sest nourrie de ce départ : ce manque a été une véritable source dinspiration inépuisable. Ce roman nous livre la «fabric» de ses uvres antérieures et dévoile les coulisses de leur création. Il permet de comprendre la naissance des romans quelle a véritablement portés en elle avant de les accoucher sur papier. Elle motive leur existence par des références à des faits réels ou à de vagues souvenirs. On ne peut que sourire à ces mots plein de vérité de lauteur : «si javais grandi protégée et heureuse, sur quoi diable écrirais-je aujourdhui ?». La peur doublier et une certaine culpabilité davoir quitté son pays lont guidée avec succès sur le chemin de la littérature.
Isabel Allende a ainsi fait sienne la manière inlassable quont les exilés de réinventer sans cesse le pays quils ont été contraints de laisser derrière eux.
Fabienne Broucaret ( Mis en ligne le 25/07/2005 ) Imprimer
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