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Poches -> Littérature |
| David Foenkinos Le Potentiel érotique de ma femme Gallimard - Folio 2005 / 4.70 € - 30.79 ffr. / 178 pages ISBN : 2-07-030977-0 FORMAT : 11x18 cm
Première publication en mars 2004 (Gallimard - NRF). Imprimer
On attend toujours, avec une légère inquiétude, le dernier écrit dun auteur salué, considéré, mais non encore reconnu. Le doute sinstalle alors. Et si les deux premiers textes de David Foenkinos (Entre les oreilles, Inversion de lidiotie) navaient été que prometteurs ? Ce doute subsiste à la découverte du titre, Le Potentiel érotique de ma femme, du troisième roman de l'auteur (aujourd'hui en poche), alors que le tout dernier, En cas de bonheur, vient de paraître. Il laisse imaginer une auto-fiction à la mode parisienne, en donnant à lire les tribulations sans intérêt dun bourgeois sennuyant ou dune quadragénaire nymphomane. Le bandeau qui ceinture le livre nous rassure : «roman non autobiographique», est-il inscrit. Nous ne tomberons pas dans cette lourdeur, qui permet à «je» de ne parler de «rien».
Hector, le héros du roman, est un collectionneur compulsif. Parmi ses collections, les piques apéritif, les badges de campagnes électorales, les peintures de bateaux à quai, les pieds de lapin, les cloches en savon, les bruits à cinq heures du matin, les dictons croates, les boules de rampe descalier, les étiquettes de melon, les cordes de pendus, les ufs doiseaux, les premières pages de romans
Autant dagglutinations qui accentuent, par contraste, le vide de son existence.
Le roman souvre sur la tentative de suicide du héros, acculé par son travers destructeur à entreprendre lirrémédiable. Ratant son geste, il est «découvert gisant dans les couloirs du métro, plus près de Châtelet-Les Halles que de la Mort». Dès lors, Hector na plus quune pensée : «en ratant son suicide, il venait de se condamner à vivre». Lauteur nous fait suivre, alors, la construction dun personnage et non pas la reconstruction, Hector na jamais rien été. Avec une simplicité toute mesurée, la narration semble couler sur nous comme une évidence. «Hector est tombé amoureux, et sest marié. Alors, il sest mis à collectionner sa femme.»
Toute la trame du roman réside en ces mots. Lauteur travaille les possibilités de déplacer ses névroses dune logique de destruction à un lieu de construction. De produire des obsessions fécondes, par lacceptation de vivre avec sa pathologie. Lentement distillée, nous voilà dans une étude des murs de notre temps. A la manière dun entomologiste du XVIIIe siècle, David Foenkinos étudie les mécanismes des individus dans la société et dans le couple («observons», «regardons»
). Faux-semblants, mythomanies acceptées, solitudes urbaines et existentielles
Autant de sujets qui épaississent lintrigue, tout en révélant à chacun sa part de détresse. Lauteur lui-même se masque derrière les mots, distille ses références culturelles sans ostentation, tout en dévoilant sa part dambivalence en citant Aragon, le maître du «mentir-vrai».
Cette forme de critique sociale ne saurait aller sans un savant travail sur la langue. Tout un jeu est mis en place, pour notre plus grand plaisir, par la création dun discours sur une narration. Des notes de bas de page peuvent apparaître, un paragraphe intitulé «parenthèse» peut surgir, et donnent des points de vue, qui sont autant de lignes de fuite. Pour autant, le style ne sen trouve pas appesanti. Une écriture simple, qui ne se charge pas de superflu, facilite les questionnements du roman en les décomplexifiant. Et si la sincérité des sentiments constituait une terre inconnue ? Roman damour avant tout, Le Potentiel érotique de ma femme est aussi lappel aux sens dun aventurier éclairé.
Stanislas Bosch-Chomont ( Mis en ligne le 30/08/2005 ) Imprimer
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