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Poches -> Littérature |
| Lolita Pille Bubble gum Le Livre de Poche 2006 / 6 € - 39.3 ffr. / 281 pages ISBN : 2-253-11708-0 FORMAT : 11,0cm x 18,0cm
Première publication en mars 2004 (Grasset). Imprimer
Avec son premier roman, Hell, paru en 2002, Lolita Pille avait séduit ou agacé (ou les deux). Mais beaucoup avaient dignement salué la rage et le talent qui se dégageaient de louvrage. Dans la lignée de Bret Easton Ellis, Lolita Pille y déplorait le gouffre de la société friquée qui avait fait delle un monstre, vêtu de marques de la tête aux pieds et en proie à un terrible vide intérieur. Cest donc avec impatience que lon attendait le second roman de la créature, histoire de voir si la demoiselle allait transformer son coup dessai.
Bubble gum est la suite logique de Hell. Poursuivant son exploration haineuse de la société chic et people, la romancière choisit cette fois une construction à deux voix. La première est celle de Manon, une jeune provinciale prête à tout pour réussir. Cest le double parfait de la Hell du premier roman, insatiable mais insatisfaite, lucide mais aveuglée par les néons de la gloire, rageuse, mais profondément désemparée. La seconde est celle de Derek, un milliardaire cynique et désabusé, étouffé par largent et loisiveté, lui aussi photocopie dAndréa, le ténébreux personnage masculin du premier roman. Le but de Manon est simple : quitter son village de cul-terreux symboliquement appelé Terminus ! et devenir célèbre, à tout prix. Celui de Derek lest tout autant : «Jai décidé de détruire quelquun, briser une existence, massacrer un destin, et tout à fait injustement, choisir un innocent, quelquun qui pourrait être heureux (
) et en faire une épave dans mon genre (
)». Entre eux, ce sera la collision fatale
Si Hell résonnait comme un cri de rage ininterrompu contre les mirages de la jet-set, Bubble gum comporte cette fois une intrigue plus consistante. Et la violence brute que lon avait appréciée chez Lolita Pille sefface parfois ici au profit dune construction alambiquée. On sent que la jeune femme peine à tenir son histoire, laquelle finit dailleurs par une sorte de conclusion apocalyptique un peu inutile. Bien évidemment, le talent est toujours là et le style a mûri. Lolita Pille fustige les rêves de gloire et de reconnaissance qui ne riment à rien. Avec un style hallucinatoire, elle dénonce les diktats du luxe et de lapparence qui happent vers le néant. Dans des descriptions totalement barrées, oscillant entre rêve décousu et réalité speedée, on perçoit encore une fois la révolte sincère contre le miroir aux alouettes que tend une société malade : «On nétait même pas des artistes maudits, on nétait pas des artistes. On avait tenté de détourner lart à notre petit profit : on voulait la gloire et le pognon. On ne devient pas une star pour de mauvaises raisons. On navait pas didées à défendre, pas didéaux, pas de passion, pas de talent, à peine une âme. En fait, cétait moral, cétait bien fait. On était des arrivistes maudits. Ca ne nous aurait pas dérangés de faire de la merde, pour peu quon nous adule et quune foule en délire hurle nos noms connus devant des boîtes de nuit.»
Malgré ses faiblesses, Bubble gum distingue une fois de plus la jeune Lolita Pille. Alors que la plupart des collègues de sa catégorie jeunes écrivains friqués et branchés, Frédéric Beigbeder et Nicolas Rey en tête sabîment parfois dans une fascination gênante pour les paillettes, Lolita Pille fait la différence : ce monde de parvenus, elle semble dautant plus le détester quelle narrive pas à sen extraire. Et dafficher parfois un fatalisme sans appel qui pourrait presque la faire passer pour une moraliste : «Tape-toi la terre entière, suce des queues, pratique le triolisme et la sodomie en plein air, sur des parkings par exemple, puisquil ny a que ça qui tintéresse. Les préservatifs machin : plus rien ne tempêche dêtre une salope.»
Caroline Bee ( Mis en ligne le 20/04/2006 ) Imprimer
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