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| Christine Angot Les Désaxés Le Livre de Poche 2006 / 5.50 € - 36.03 ffr. / 155 pages ISBN : 2-253-11287-9 FORMAT : 11x18 cm
Première publication en août 2004 (Stock). Imprimer
Sujet éculé dans un style identifiable, ce roman de Christine Angot décline et ressasse un mal être à deux. François et Sylvie sont mariés depuis des lustres, parents de deux enfants trop vite grandis, et jouent indéfiniment le même drame : incompréhension, crise et réconciliation avant la prochaine bourrasque. Et caetera et ad vitam. Ils travaillent tous deux dans le monde parisien du cinéma. Sylvie est maniaco-dépressive, François, cinéaste déchu sinon raté, juste chroniquement déprimé.
Histoire banale dun amour impossible mais liant pourtant deux âmes faites lune pour lautre. Rien ny fait : ni les week-ends improvisés, ni les moments de pause, les valises mille fois faites et défaites. Sylvie et François jouent à la Guerre froide : guerre impossible, paix improbable, une histoire damour retroussée, montrant du doigt ce quest la «vraie vie», à rebours des fantasmes technicolors de limagerie populaire. «Sur la vie à deux, tout le monde mentait. Les films et les livres aussi.» (p.103)
Et le roman, anti-romantique, den devenir anti-romanesque, ce qui est plus fâcheux. Car il y a un excès dans le réalisme appliqué de Christine Angot. La structure du roman est mécanique, enchaînant les cycles où le couple se piège, comme dans la vraie vie sans doute, mais aussi dans la précipitation dun roman de 200 pages, doù cette impression nauséeuse dans la répétition, dégoût certainement visé par lauteur mais qui conduira peut-être son lecteur à interrompre sa lecture ou, au contraire, à la précipiter aussi, le plaisir mort, pour en finir
Christine Angot aime en effet la vérité qui heurte, comme lont montré ces précédentes uvres. De lacide du malaise naît sa création littéraire avec une volonté farouche décrire sans fioritures, dans toute la brutalité de phrases nues, dune syntaxe malmenée par un mélange de phrases écrites et de propos parlés. Ici, pas de métaphore, de détours littéraires, ni la respiration proustienne de phrases délicieusement alambiquées : Christine Angot tient la plume comme un archet, visant simplement la cible et tirant juste, droit. Ce qui renforce le malaise, tout comme lévocation déléments très quotidiens : quelques figures dacteurs ou de réalisateurs aisément identifiables, de moments dactualité encore frais (la guerre en Irak, laffaire Trintignant
). Or le quotidien lui-même est anti-romanesque, ce sur quoi joue lauteur. A tel point dailleurs quelle refuse le procédé littéraire visant à noircir une réalité déjà terne. Christine Angot nécrit pas dans le but de montrer le sordide dans toute sa laideur, mais en le montrant tout simplement, brut, dans un livre écrit vite et à lire vite
ou pas.
Bruno Portesi ( Mis en ligne le 15/02/2006 ) Imprimer | | |
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