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Le foot est l'opium du peuple
John King   Football Factory
Seuil - Points 2006 /  7.50 € - 49.13 ffr.
ISBN : 2-7578-0001-9
FORMAT : 11,0cm x 18,0cm

Première publication en mai 2004 (L'Olivier).

Traduit de l'anglais par Alain Defossé.

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Enfant terrible des lettres anglaises, John King propose avec Football Factory un ouvrage qui met d’emblée mal à l’aise. L’auteur met en scène, à travers les yeux du jeune Tom Johnson, le quotidien des supporters extrémistes de l’équipe de Chelsea. La vie de Tom et de ses copains se résume aux trois B : bière, baise, baston, qui rythment les week-ends. Le reste de la semaine, c’est l’usine, la grisaille et l’ennui… Et le foot ? C’est justement le foot qui fait le lien entre ces jeunes paumés, qui permet l’amitié, mais aussi la violence : quand les supporters de Chelsea rencontrent d’autres supporters adverses, ils se bastonnent, équation terrifiante mais jamais remise en cause. La violence de ces hooligans se déverse également contre d’autres : racisme et machisme jalonnent les propos, mais aussi les actes…

Jamais au fil de ce roman étonnant John King ne juge ses personnages. Il se contente de les mettre en scène, victimes d’une société anglaise implacable, parachutées dans des existences mornes et sans avenir. L’intrigue à proprement parler est inexistante, et le but n’est pas de montrer la violence dans son exaltation, mais plutôt dans la tyrannie de sa répétition. L’auteur ne hausse jamais le trait, évitant ainsi l’écueil de la complaisance. Cette violence omniprésente est décrite cliniquement et comme seul mode d’exutoire, qu’elle se manifeste dans les bagarres ou dans le sexe – deux formes de corps à corps… Mais c’est là que le bât blesse, puisque si l’on conçoit – et même si concevoir n’est pas excuser – que ces jeunes ne puissent s’exprimer que par la haine, John King, notamment par le biais de son héros Tom, nous présente ces personnages comme «intelligents» au sens propre du terme, c’est-à-dire faisant montre d’une capacité étonnante à comprendre et interpréter le monde. À tout moment ils semblent conscients et distants par rapport à leur mode de vie, et leur capacité à intellectualiser ce qu’ils vivent fait se poser bien des questions. King veut-il vraiment nous faire passer ces personnages comme crédibles ? La «banalisation de la violence manifestée n’est-il pas un premier pas vers l’excuse de comportements inacceptables ?

En contrepoint du quotidien de ces supporters, John King alterne son récit avec des chapitres consacrés à des portraits de Londoniens «typiques», donnant à voir un brillant kaléidoscope d’une classe ouvrière britannique mal en point : le portrait d’un retraité solitaire côtoie celui d’une blanchisseuse obsessionnelle, les pensées d’une assistante sociale communiste alternent avec ceux d’un jeune idéaliste, ou avec les souvenirs lointains d’un petit garçon. C’est parfois un brin stéréotypé, mais souvent beau et mélancolique. C’est d’ailleurs dans ces pages qu’affleure une véritable tendresse, et parfois beaucoup de poésie.

Au final, cette superposition de vécus et de portraits donne l’impression d’un ouvrage foisonnant, complexe, et brillamment écrit. Roman culte en Angleterre, Football Factory n’a pas fini de faire parler de lui : adapté au cinéma par le réalisateur Nick Love, le film a fait un scandale au Festival du film de Locarno. Love s’est expliqué : «The Football Factory montre une société qui s’ennuie et qui déteste la manière dont le pays est dirigé, (et) le mécontentement de la nation à propos de la Grande-Bretagne de Tony Blair». Il serait peut-être temps que ces «mécontents» comprennent que le football et l’alcool sont l’opium du peuple, savamment distillé par la méchante classe dirigeante !


Caroline Bee
( Mis en ligne le 31/05/2006 )
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