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Poches -> Littérature |
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Réalité noire, récit simple | | | Carlos Liscano Le Rapporteur et autres récits 10/18 - Domaine étranger 2005 / 7.80 € - 51.09 ffr. / 250 pages ISBN : 2-264-03808-X FORMAT : 11x18 cm
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Uruguayen, né en 1949, Carlos Liscano, inconnu en France, est lun des grands auteurs contemporains dAmérique latine. Emprisonné pendant treize ans, sous la dictature, il vit désormais entre la Suède et Montevideo. Les éditions Belfond viennent de publier en français son troisième roman : La Route dIthaque.
Le Rapporteur et autres récits est un recueil de nouvelles écrites entre 1982 et 1995. Le genre de la nouvelle est peu pratiqué en France, et cest dommage. Ici onze textes sont présentés, dans un montage qui nest pas anodin et laisse monter la tension : on part de brefs textes proches de labsurde ou encore du fantastique. Lhumour y est toujours présent, grinçant pour ne pas dire noir, et «Ma famille» rappellera sans doute à plus dun lecteur français tout à la fois Reiser et le Franquin des Idées noires. Chaque nouvelle a sa couleur, apprivoise de façon différente labsurdité de la réalité, décrit des rapports sociaux improbables, lisolement en fin de compte, tandis que persiste, ténu, lespoir dune rencontre humaine. Le récit intitulé «Petits changements dans la vie» en est une illustration parfaite, préparation lente aux deux textes les plus longs, «Eau dormante», écrit en 1984, qui se passe en Suède, et à sa suite, «Le Rapporteur», composé en 1982.
Il faut bien lire ces textes dans cet ordre là, et suivre Carlos Liscano qui nous conte, sur un ton volontairement neutre, la violence des rapports ordinaires entre victime et bourreau. Dans «Eau dormante», la victime est le patient dun dentiste suédois ; se noue entre les deux hommes, au cours des séances minutées de soins dentaires, une fascination horrifiée et douloureuse. «Le Rapporteur», écrit deux ans plus tôt, décrit simplement la vie quotidienne dun prisonnier : «à la demande de la Commission qui soccupe de moi, je vais raconter ma tragédie (
.)». Le malaise sinstalle immédiatement, puis le sentiment dhorreur, dans un univers kafkaïen que lauteur semble présenter comme une banalité acceptée, saccroît au fur et à mesure de la lecture. La force du récit tient au style, à la volontaire simplicité des termes, à la neutralité affichée, derrière laquelle saffirme la force dune personnalité qui résiste malgré tout, dans les pires conditions.
Une page et demie en guise de conclusion : «Celui qui écrit», un texte fort qui donne envie de découvrir davantage lauteur, mais aussi de revenir à la littérature sud américaine, en particulier à Juan Carlos Onetti (1909-1994), lui aussi uruguayen, mais de la génération précédente.
Marie-Paule Caire ( Mis en ligne le 07/02/2005 ) Imprimer | | |
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