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La mémoire écorchée vive
Sylvie Germain   Magnus
Gallimard - Folio 2007 /  6.60 € - 43.23 ffr. / 272 pages
ISBN : 978-2-07-033648-7
FORMAT : 11,0cm x 18,0cm

Première publication en août 2005 (Albin Michel)
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L’Enfance est un rêve d’enfant, titrait obscurément Régis Jauffret pour son roman de la rentrée 2004 (Verticales). Dans ce livre, il revisitait à sa manière une époque de l’histoire de France, dominée par la figure du général De Gaulle, à travers les yeux d’une bande de gamins. En résultait un texte à la poésie particulière, façonnée par l’imaginaire des jeunes protagonistes. Un texte dérangeant aussi, tant nos esprits d’adultes peinent parfois à concevoir «autrement» une réalité déjà assimilée, balisée, digérée. Tant il est difficile de sortir de ses cadres de référence. «Le romancier, c’est le langage en roue libre», expliquait alors l’auteur dans un entretien accordé au magazine Lire.

Dans le dernier livre de Sylvie Germain, c’est la mémoire qui est en roue libre, une mémoire écorchée vive. Ce n’est pas ici le spectacle du monde qui se livre au prisme déformant d’un regard insolite et rêveur, c’est le regard d’un homme sur sa propre histoire qui est le cœur du roman. Un regard interrogatif, tâtonnant, en souffrance. Magnus est une réflexion sur la mémoire, l’identité et la non-linéarité du temps d’une vie humaine.

Magnus, c’est d’abord l’ours en peluche de Franz-Georg Dunkeltal, un petit garçon allemand au tout début des années 40. Franz-Georg a perdu la mémoire l’année de ses cinq ans, à cause d’une maladie – c’est du moins ce que lui a expliqué sa mère, qui s’attache désormais à lui réapprendre son histoire et la «légende familiale» : deux oncles morts en héros à la guerre, une mère patriote au possible, un père brillant médecin mais n’exerçant ni en cabinet, ni à l’hôpital. Voilà ce qu’on lui explique. Pourquoi donc le remettrait-il en question ? Ce n’est que peu à peu que Franz-Georg commence à se douter que quelque chose ne va pas. Quand son père quitte la maison à la fin de la guerre et part en Amérique du Sud sous une nouvelle identité. Quand sa mère et lui s’enfuient loin de chez eux et qu’il leur faut, à eux aussi, changer de nom. Quand sa mère enfin se laisse mourir et confie son enfant à son oncle, jamais encore mentionné dans l’histoire familiale, et qui vit en Grande-Bretagne.

Franz-Georg devient Adam, apprend une nouvelle langue auprès d’une nouvelle famille. L’adolescent grandit avec le doute au creux du ventre, et un obsessionnel trou noir dans la mémoire. C’est cette précarité identitaire fondamentale qui guide le roman de Sylvie Germain. Magnus, l’ours en peluche, semble être le seul point d’ancrage d’Adam. Mais quel secret cache cette relique du passé – et de quel passé ? Il faudra encore de nombreuses années au jeune homme pour lever – un peu – le voile sur son histoire.

«D’un homme à la mémoire lacunaire, longtemps plombée de mensonges puis gauchie par le temps, hantée d’incertitudes, et un jour soudainement portée à incandescence, quelle histoire peut-on écrire ?» Sylvie Germain a construit son roman à l’image du cheminement de mémoire de son héros : comme un puzzle. Ici, pas de chapitres, mais des Fragments, des Notules, des Séquences, des Résonances… Comme un chant choral, Magnus emporte son lecteur, fasciné par l’histoire du héros qui s’éclaire peu à peu (et quel chemin de vie !). On est étonné, surpris au tournant, ému aussi par l’art littéraire de Sylvie Germain, qui démontre avec brio à quel point une vie n’est rien sans le regard qui la définit, et à quel point ce regard est une construction nécessaire, permanente et risquée.

«Tant pis pour le désordre, la chronologie d’une vie humaine n’est jamais aussi linéaire qu’on le croit», annonce l’auteur en ouverture. De ce beau désordre émerge un roman puissant, sensible, intelligent, mystique. Une raison supplémentaire pour aimer Sylvie Germain.


Anne Bleuzen
( Mis en ligne le 11/06/2007 )
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