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Poches -> Littérature |
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Gloubi-boulga irvinien... | | | John Irving Je te retrouverai Seuil - Points 2007 / 9.80 € - 64.19 ffr. / 1003 pages ISBN : 978-2-7578-0526-8 FORMAT : 11,0cm x 18,0cm
Première publication française en octobre 2006 (Seuil). Imprimer
Depuis la sortie de Je te retrouverai, John Irving a accordé de nombreuses interviews sur son dernier roman et plus généralement sur ses habitudes décrivain. Il se compare modestement à un artisan qui «prend plaisir à construire des romans comme un ébéniste fabrique des tables». Il lui faut du temps pour polir louvrage et le fignoler avant de loffrir au monde : treize ans pour Une prière pour Owen, presque dix pour Je te retrouverai
Cest que les romans de John Irving sont comme des patchworks faits de multiples bouts de vie cousus les uns aux autres : les assembler prend du temps. Et justement, Irving répète que ce roman-là est sans doute celui qui contient le plus de lui-même. Dailleurs, il était dabord écrit à la première personne
Mais avant la parution, John Irving narrive pas à passer le cap de la pure autobiographie. Je te retrouverai sera un roman à la troisième personne, dont le personnage principal Jack Burns est un double de lauteur : même généalogie, même vie, mêmes dadas. Jack est le fils dAlice, une mère célibataire au punch déroutant, tatoueuse de profession. Une centaine de pages sont consacrées à la relation fusionnelle quAlice entretient avec son fils, même si lombre fuyante du père est toujours présente. Alice pense justement quil est temps que le père de Jack assume ses responsabilités. Seulement ce père-là nassume rien, sinon sa passion pour lorgue et ses lubies de tatouages. En fait, il fuit constamment au-devant dAlice, qui le suit avec son fils, de ports en ports, dans toute lEurope du Nord. Cette première partie du roman est belle : tendre, émouvante et drôle, la narration a du souffle comme les meilleurs passages du Monde selon Garp ou de lHôtel New Hampshire. On se dit quon est dans du bon Irving, cet Irving qui fait rire et pleurer à la fois, cet Irving qui nous permet, le temps dune lecture, de rêver dindépendance et de liberté. Cest grand !
Mais cela ne dure pas. Malheureusement...
Alice et Jack rentrent aux Etats-Unis, bredouilles. Et lombre du père disparaît. Est-ce la résignation des personnages qui prime ou le simple désir de lauteur de «passer à autre chose» ? Cette autre chose étant la lente appropriation dun corps tout turgescent dadolescent. Car suivent sept cents pages de «gloubi-boulga» irvinien. La recette : trois ou quatre personnages principaux en perpétuelle quête damour, une nuée de personnages secondaires qui apportent à ces derniers un substitut sentimental, des blessures affectives et du chagrin, du bonheur aussi, en éclairs, et beaucoup beaucoup beaucoup de sexe. Mais pas du sexe assumé, plutôt du «touche pipi» : par exemple, pendant plus dune centaine de pages Jack essaie en vain de gonfler son «petit bonhomme» pour convaincre Emma (personnage véritablement attendrissant) quil peut enfin jouer dans la cour des grandes. Finalement, il en aura des grandes, à moins que ce ne soit elles qui laient lui. Car après le «touche pipi» on passe au harcèlement. Dailleurs harcèlement et abus
sont les termes quIrving emploie dans ses interviews pour parler de ses premières expériences sexuelles avec des femmes «bien» mûres alors quil est tout juste pubère (11 ans). Et voilà quon retrouve du John en Jack, avec ses souvenirs de garçonnet se faisant (littéralement) manger tout cru.
Heureusement Emma est là. Emma cest lamie des bons et des mauvais jours, une demi-sur incestueuse et aimante, qui tient le «zizi» de Jack dans ses mains, à tout bout de champ, sans quon sache vraiment ce quelle en fait, sinon le réchauffer tendrement et lui mettre de la crème hydratante quand il la tout irrité (cest fréquent, on laura compris). Les attentions multipliées de toutes les femmes quil rencontre lauront au moins convaincu dune chose : il dispose dun physique qui pourrait intéresser Hollywood. Le roman se termine donc sur sa carrière dacteur : Jack qui connaît les filles mieux que personne, pour les avoir constamment côtoyées et contentées, excelle dans des rôles de travesti.
Après un début flamboyant, où le fantôme du père constituait une trame bien tirée, le roman patine puis senlise dans des digressions sans fin et sans intérêt. Le Je te retrouverai (Until I Find You) dIrving devient un Je me retrouverai (Until I Find Myself) qui place le lecteur en voyeur-psychanaliste à la petite semaine
Rachel Lauthelier-Mourier ( Mis en ligne le 15/10/2007 ) Imprimer
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