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Poches -> Littérature |
| Joseph Connolly L'Amour est une chose étrange Seuil - Points 2008 / 8 € - 52.4 ffr. / 574 pages ISBN : 978-2-7578-0729-3 FORMAT : 11,0cm x 18,0cm
Traduction de Alain Defossé.
Première publication française en janvier 2007 (Flammarion) Imprimer
Années 50, Londres, une famille de petite condition : le col blanc atrabilaire, Arthur, et sa femme, Gillian, parfaite fée du logis corsetée par le manque dargent, élèvent leurs deux enfants, Annette, tête brûlée en collège catholique, et Clifford, juste un gosse avec ses illusions de gosse. Une smala emblématique de la lower-middle-class à langlaise : on pense à La Parure de Maupassant, en y ajoutant un peu de bile et de fog, peut-être
Car tout ici est dans le mélange détonnant des saveurs, et celui des narrations. Tour à tour, les quatre membres de la famille nous disent leur quotidien : soucis décole et attente inespérée de la télévision pour les enfants, angoisses ménagères pour Gillian, déprime alcoolisée et chute dans lenfer du jeu pour Arthur. Les mots se croisent, les maux se croisent et, au fil du temps (le roman se termine de nos jours), le trait se noircit, lhumour, très présent, savoureux, dans le pourtour dune belle tendresse, cède la place au glauque. Car on rit franchement de la relecture incessante quAnnette fait, adolescente, de son catéchisme, ou des états dâme de Gillian qui, bien évidemment, ignore ce quest le Chianti. Mais la gorge se serre et la lecture lèvera quelques hauts le cur devant certaines scènes. LAmour est une chose étrange parle aussi, et surtout, de cette part obscure de la condition humaine. Où il est question de viol, dinceste, de meurtre, de prostitution, de vol, de fraude. Derrière la peinture fraîche dune famille lambda, Connolly, cynique au-delà du cynisme, égraine le chapelet des péchés capitaux
et lEglise nest pas la dernière dans cette valse aux blasphèmes
Une fois de plus, les personnages sont ces Janus peu à peu gangrenés, gagnés par les vapeurs du mal
«Parce que pour nous tous, la noirceur du péché est devenue une compagne de chaque instant, une complice complaisante, une alliée obscure et perverse dans cette croisade apparemment toute naturelle, pour faire en sorte que le mal terrasse et piétine le bien jusquà en annihiler les dernières douces fragrances : nous devons tous être à présent mithridatisés contre les puanteurs mêlées de nos propres sécrétions», confesse Gillian.
Et sous la plume de Connolly, le lecteur lui-même devient complice, trop vite attaché à ces humains inhumains, ces quidams finalement soumis à lattraction du pire. Mais le pire est peut-être que tout cela, au final, est très bon. Rassurons-nous : ce nest, en fait, quune parfaite fiction.
Bruno Portesi ( Mis en ligne le 05/03/2008 ) Imprimer
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