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Poches -> Littérature |
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Tuer l’homme dans le père | | | Philippe Forest Le Nouvel amour Gallimard - Folio 2009 / 5.50 € - 36.03 ffr. / 213 pages ISBN : 978-2-07-036123-6 FORMAT : 11,0cm x 18,0cm
Première publication en août 2007 (Gallimard - Blanche) Imprimer
Philippe Forest poursuit ici son travail de deuil, littéraire élégie pour fixer et oublier ? lineffable, la perte de lenfant, fillette enlevée à la vie. Car si lon peut penser que Le Nouvel amour apporte un peu de lumière dans lexistence dun être amputé, décharné proprement, on se trompe
Cest aussi cela, mais le deuil demeure, indélébile. «Écrire était une vieille superstition à laquelle, sans y croire tout à fait, je me confiais à nouveau. Une sorcellerie stupide de mots et de signes, tout comme celle à laquelle javais remis autrefois le soin de ma vie.»
Écrire sur laprès Pauline, lenfant décédée, qui est aussi un après Alice, la mère violemment dématernisée, et enfin laprès Forrest, écrivain dépaternalisé. A lamour taché qui le liait par Pauline à Alice, Philippe rajoute celui envers Lou, qui, pourtant, nannule pas le premier. «Nouvel» ici veut dire supplémentaire et non remplaçant : «Lamour de lune nenlevait rien à lamour de lautre et le laissait intègre, intact. Chacun de ces amours faisait naître comme un monde à part et parallèle où il était seul souverain.»
On suit donc le narrateur dans lexposé de sa romance et du plus ou moins difficile côtoiement des deux femmes dans sa vie : tâtonnements dans le flirt, goût rénové du désir, maladresse dun impossible ménage à trois
Et le fantôme, le deuil toujours, dans la vie dun homme à femmes : « Sans doute était-ce ma manière à moi dêtre bisexuel mais dune bisexualité tout à fait particulière puisque au lieu de me situer à égale distance des hommes et des femmes (
) elle me plaçait deux fois du même côté du monde, comme si lautre navait pas du tout existé.»
Osons alors une autre hypothèse : en sentourant de femmes au mépris de la gent masculine, Philippe ne poursuit-il pas le meurtre du père en soi (non son géniteur mais sa propre identité de géniteur) ? Pour qui, comme lui, a dramatiquement identifié son être, et donc sa masculinité, à sa fille, perte avivée par la mort, être homme, cest-à-dire père, serait devenu tout simplement impossible. En filant lexplication proposée par Forrest, loin dêtre bisexuel, en focalisant son attention sur les femmes, il serait devenu tout simplement
lesbien, cest-à-dire, surtout pas homme, surtout pas fertile
Un nouveau roman qui sajoute aux précédents pour compléter le portrait dun écrivain émasculé par la perte de son enfant. On pourra sagacer de la complainte littéraire férocement narcissique mais lentreprise, au final, est bien belle.
Moins belle par contre est la nouvelle maquette de la collection "Folio". Qu'on regrette l'ancienne forme, qui brillait par son élégante simplicité alors que celle proposée à présent sonne trop neuf, trop "entreprise", très mal, froide, lisse et glacée comme le sont ces vieilles dames rêvant de devenir bimbos et finissant en monstres...
Bruno Portesi ( Mis en ligne le 23/01/2009 ) Imprimer
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