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Poches -> Littérature |
| Joyce Carol Oates Les Femelles Seuil - Points 2010 / 7 € - 45.85 ffr. / 331 pages ISBN : 978-2-7578-0934-1 FORMAT : 11x18 cm
Première publication en octobre 2007 (Philippe Rey).
Traduction de Claude Seban.
Voir aussi :
- Mère disparue, Seuil (Points), octobre 2008 (Philippe Rey, octobre 2007), 513 p., 8 , ISBN : 978-2-7578-0933-4 Imprimer
Mais comment la presque septuagénaire Joyce Carol Oates a-t-elle réussi à écrire autant (un bon millier de nouvelles, une cinquantaine de romans, des essais, des pièces de théâtre ou encore des poèmes) ? Là nest pas la question, répond souvent la célèbre Américaine, indiquant quil serait plus pertinent de lui demander pourquoi elle maintient un tel rythme de production. Lécriture, avoue-t-elle, demeure une drogue irrésistible et épuisante. Impensable donc de ralentir.
Quen est-il de sa virtuosité littéraire et de son incroyable imagination dans les deux opus parus récemment, un recueil de nouvelles Les Femelles et un roman Mère disparue (aujourd'hui au format poche - Seuil/Points) ? Toujours très convaincante dans son analyse vénéneuse de lEternel féminin, la romancière lest nettement moins lorsquelle aborde un sujet plus personnel, à savoir le travail de deuil qui suit pour une fille la mort de sa mère.
«Je raconte ici comment ma mère me manque. Un jour, dune façon qui ne sera quà vous, ce sera aussi votre histoire.» Ainsi parle Nikki Eaton, la narratrice de Mère disparue au tout début du roman que Joyce Carol Oates a dédié à sa mère, Carolina, décédée en 2003. Alternant scènes de vie, souvenirs et passages plus introspectifs, une fragmentation qui reflète bien son état psychique, Nikki raconte donc son année de reconstruction après lassassinat sauvage de sa mère. Lindicible souffrance, la colère, les regrets et la lente métamorphose dune trentenaire, un tantinet dévergondée et provocatrice, qui peu à peu mûrit, découvre qui sa mère était et devient ce que cette dernière aurait souhaité quelle fût. Malheureusement, le cheminement en soi très intéressant est noyé dans un flot de détails inutiles car Joyce Carol Oates ne se limite pas à son projet initial que le titre américain Missing Mom exprimait clairement, donnant à plusieurs personnages de la famille une importance démesurée (en particulier à Clare, la grande sur, une bourgeoise rangée qui peu à peu se rebelle et suit donc une trajectoire inverse à celle de Nikki ou à son mari, qui ne peut sempêcher den pincer pour sa belle-sur).
On glisse vite de la description dune douleur intime au tableau dune famille américaine typique, frappée par un deuil. La lecture est agréable certes mais lessentiel nest pas traité. Lévènement de départ étant un meurtre, la romancière effleure un thème qui lui est cher, celui du mal, quelle choisit par contre de ne pas explorer. Cest là pourtant que Joyce Carol Oates parvient toujours à étonner, la fascination du mal demeurant la force motrice de son uvre de fiction. Nouvelle preuve en est donnée avec Les Femelles.
Adepte de lintertextualité, Joyce Carol Oates joue souvent avec les textes dautres grands auteurs, Henry James, Edgar Allan Poe ou encore D.H. Lawrence par exemple. Le titre de ce recueil de neuf nouvelles fait explicitement référence au poème de Rudyard Kipling, The Female of the Species, qui explique que la femme porte en elle la mort, davantage que lhomme. Dans Les Femelles, la perversité de lessence féminine se décline de multiples façons. Le sexe faible sy montre certes sans pitié mais Joyce Carol Oates német aucun jugement critique, sinterrogeant sur les raisons qui font basculer une femme dans la folie meurtrière. De la petite fille à la femme dâge mûr, toutes constatent le mal qui les entoure et celui quelles portent en elles. Violence, sexe, pensées malsaines, le cocktail est explosif.
D'une grande diversité narrative, Les Femelles l'est aussi dans les portraits proposés - une Lolita que son (beau) père prostitue dans «Poupée» et qui se venge en assassinant certains clients, une petite fille animée de mauvaises intentions à l'égard d'un bébé dans «Banshee» ou tourmentée par d'affreux cauchemars dans «Obsession», une fragile manipulatrice dans «Ange de colère», une épouse frustrée, victime d'un désir compulsif pour un beau jeune homme bien peu recommandable dans «Faim» ou assez repoussant dans «Dis-moi que tu me pardonnes», une victime qui se transforme en bourreau dans «Avec l'aide de Dieu» ou encore deux infirmières qui dans «Ange de miséricorde» allègent radicalement les souffrances de leurs patients en fin de vie.
Seul point commun entre ces héroïnes : elles opèrent un choix qui s'avère irréversible. Décision majeure qui entraîne la mort. Mention spéciale à «Madison au guignol», petite perle gore et absurde à souhait, tout à fait réjouissante ! Dans le domaine de la nouvelle gothique, Joyce Carol Oates reste décidément fort inventive !
Florence Cottin ( Mis en ligne le 19/02/2010 ) Imprimer
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