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La passion amoureuse
Mario Vargas Llosa   Tours et détours de la vilaine fille
Gallimard - Folio 2008 /  7,90 € - 51.75 ffr. / 417 pages
ISBN : 978-2-07-035140-4
FORMAT : 11,0cm x 18,0cm

Traduction de Albert Bensoussan.

L'auteur du compte rendu : Scénariste, cinéaste, Yannick Rolandeau est l’auteur de Le Cinéma de Woody Allen (Aléas) et collabore à la revue littéraire L'Atelier du roman (Flammarion-Boréal) où écrivent, entre autres, des personnalités comme Milan Kundera, Benoît Duteurtre et Arrabal.

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Né le 28 mars 1936 à Arequipa (Pérou), Mario Vargas Llosa est un écrivain et essayiste politique péruvien naturalisé espagnol. Dès ses 14 ans, il étudie à l'Académie militaire Leoncio Prado de Lima, qui lui laisse un sinistre souvenir et la matière de son livre La Ville et les chiens. Il étudie à l'Université San Marcos de Lima et occupe différentes professions : correcteur, puis collaborateur aux rubriques cinéma de revues littéraires, notamment Literatura ou El Comercio. Après avoir écrit un recueil de nouvelles remarqué, Les Caïds (1959), il s'installe à Paris. On retient de son oeuvre Conversation dans la cathédrale (1969), Pantaléon et les Visiteuses (1973), L'Orgie perpétuelle (1975) et un roman semi-autobiographique, Tante Julia et le Scribouillard (1977). Mario Vargas Llosa est devenu libéral en voyant les dérives de la révolution cubaine et a fondé un mouvement de droite démocratique, Libertad. Il a été le candidat de la droite libérale aux élections présidentielles péruviennes de 1990 et a été battu au second tour. Il a gagné ensuite l'Espagne et s'est installé à Madrid. Le gouvernement de Felipe González lui a accordé la nationalité espagnole sans qu'il ait à renoncer à la nationalité péruvienne. Il est membre de la Real Academia Española (Royale Académie Espagnole).

Tours et détours de la vilaine fille possède une force incroyable. De quoi parle-t-il ? D'une femme et d'un homme. Elle, Lily, la "vilaine fille", est follement aimée par son ami Riccardo Somocursio, le "bon garçon". Ils se rencontrent pour la première fois au début des années cinquante, en pleine adolescence, dans l'un des quartiers les plus huppés de Lima, Miraflores. Ils font partie d'une jeunesse dorée qui se passionne pour les rythmes du mambo.

Quelques années plus tard, Riccardo rencontre Paul qui l'aide et ce dernier plaquera son travail dans la restauration au Mexico Lindo pour se consacrer corps et âme à la révolution. Et, là il retrouve Lily. Mais elle n'a plus le même nom. Elle s'appelle Arlette. et est devenue boursière. Cuba avait concédé au MIR une centaine de bourses pour que filles et garçons péruviens suivent un entraînement à la guérilla. Ce sont les années de confrontation entre Pékin et Moscou ; Cuba semblait pencher pour la ligne maoïste avant de finir par basculer de l'autre côté. Nous sommes jetés ainsi à Paris et dans des quartiers que certains connaissent sans doute bien, tels L'Acropole, petit restaurant grec de la rue de l'Ancienne-Comédie, La Petite Hostellerie, rue de la Harpe, la boite de nuit, L'Escale, de la rue Monsieur-le-Prince. On fait la connaissance des fondateurs du MIR, Luis de la Puente Uceda (dissident du parti apriste) et Guillermo Lobaton.

Le narrateur, lui, habite dans une mansarde de l'Hôtel du Sénat, rue Saint-Sulpice. Bien qu'étant jeune, il veut finir ses jours à Paris, ville qu'il adore. Bientôt, un Espagnol aux cheveux blancs, Charnès, l'engage comme vacataire pendant l'Assemblée générale et pour les périodes où l'institution serrait surchargée de travail. Rapidement, Riccardo travaille dans un réduit où il traduit en espagnol des documents barbants sur le transfert des temples d'Abou-Simbel sur le Nil, ou sur la préservation des restes d'écriture cunéiforme découverts dans des grottes du Sahara.

Arlette qui se moquait en réalité de politique, devient la maîtresse du commandant Chacon, le second d'Osmany Cienfuegos, le frère cadet de Camilo, le grand héros disparu de la révolution. Un avocat à Lima, Maître Ataulfo Lamiel, lui apprend que sa grand-mère est morte et qu'il va toucher un héritage. Là, de retour à Paris, il rencontre Lily… Arlette ? Non, Madame Robert Arnoux, diplomate travaillant à la délégation française. Ils se revoient le lendemain aux Deux Magots.

Au cours de ces quelques décennies que couvre l'histoire, Lily change d'identité au gré de ses multiples maris, prête à tout. Inconstante, changeante, impalpable, insaisissable. Bientôt, Riccardo la rencontrera encore dans le swinging London des années soixante-dix (perdant un ami du SIDA, déjà), puis au Japon où le narrateur, suite à un épisode dramatique avec un certain Fukuda, décide de ne plus la voir. Mais il cédera quand "Lily" reviendra sur Paris, défaite, amaigrie, après avoir été violée... A chaque fois, la «vilaine fille» dit-elle la vérité ?

D'une époque et d'un pays à l'autre, Riccardo la suit et la poursuit, comme le plus obscur objet de son désir. Nous nous demandons si le narrateur n'est pas «possédé» par cette femme. Sans doute. Riccardo n’a-t-il pas voulu en fait de compte souffrir à ce point ? A-t-il voulu aimer un tel être précisément parce qu’il ne parvirent pas à aimer quelqu’un de concret jour après jour ? Cependant, cet amour inaccessible est dévastateur car il a aliéné toute la vie de Riccardo. Certes, celui-ci fait régulièrement l'amour avec elle mais il est tout de même régulièrement roulé dans la farine par cette "vilaine fille". Riccardo le savait pourtant car "Lily" le lui avait dit : "Quel naïf tu fais et que d'illusions ! lâcha-t-elle avec un regard de défi. Tu ne me connais pas. Je ne resterais pour toujours qu'avec un homme qui serait très, très riche et puissant. Ce que tu ne seras, malheureusement, jamais" (p.87). Et surtout : "Voilà pourquoi je ne pourrais pas être ta femme. Je ne pourrais jamais me contenter de ce que j'aurais. Je voudrais toujours plus" (p.88). Riccardo le "savait".

C'est le drame de deux êtres qui ne veulent pas se contenter de ce qu'ils ont. "Lily" qui a fait du refus de sa condition sociale une quête éperdue vers des sphères qui la mèneront à sa chute, et Riccardo qui court après une femme inaccessible précisément parce qu'elle est inaccessible. S'il l'avait vraiment pour lui, en voudrait-il réellement ? C'est la différence entre l'amour réel et l'amour passion ou abstrait. L’auteur décrit ainsi admirablement bien le tragique humain dans l’amour, c’est-à-dire la difficulté d’aimer jour après jour ou à l’inverse, le fait de s’enticher d’une femme (ou d’un homme) impossible.

Mario Vargas Llosa analyse cette passion d'une plume alerte et acérée, nous la faisant vivre de l’intérieur au point qu’il est difficile de lâcher le roman. Il ne se contente pas de raconter une histoire et d'en débusquer les chausses trappes, les beautés et les leurres mais il l'inscrit à chaque fois dans un contexte simplement décrit où il ne se prive pas d'être critique ; envers mai 68 par exemple, envers les philosophes abscons comme Deleuze, Barthes, Derrida, Foucault ou des idéaux politiques tournant en terrorisme...

Grand roman, magnifique roman tragique, Tours et détours de la vilaine fille mérite le détour. Un roman qui deviendra un classique de la littérature sur la passion amoureuse.


Yannick Rolandeau
( Mis en ligne le 04/05/2008 )
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