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Le premier roman de Julien Green
Julien Green   Mont-Cinère
Le Livre de Poche 2008 /  6.95 € - 45.52 ffr. / 340 pages
ISBN : 978-2-253-08274-3
FORMAT : 11,0cm x 18,0cm

L'auteur du compte rendu : Essayiste, romancier, Jean-Laurent Glémin est titulaire d’un troisième cycle en littérature française. Ayant travaillé notamment sur les sulfureux Maurice Sachs et Henry de Montherlant, il se consacre aujourd’hui à l’écriture de carnets et de romans. Il n’a pas publié entre autres Fou d’Hélène, L’Imprésent, Fleur rouge, Chair Obscure, Continuer le silence.
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Écrit en 1926, Mont-Cinère est le premier roman de Julien Green (1900-1998). Il est intéressant de lire ce livre lorsque l’on regarde l’œuvre romanesque qui suit : Son chef d’œuvre absolu, Adrienne Mesurat écrit l’année suivante, puis Léviathan ou encore Épaves. Green est l’auteur de la frustration, sexuelle, sociale, pécuniaire, etc. Ses personnages vivent dans l’austérité, qu’elle soit religieuse ou familiale, mais certains, au prix de leur raison, tentent d’y réchapper. La plupart du temps, ça finit mal : la folie, le suicide, la mort, l’abandon laissent les personnages dans un état de chaos. Entre onirisme et réalité, les personnages de Green tentent à la fois d’échapper à leur entourage austère et d’assumer leurs désirs de transgression. Son œuvre est imprégnée d’un réalisme psychologique associé à une exploration de l’inconscient et du rêve.

Avec Mont-Cinère, Green détaille la vie d’une famille recluse dans la maison qui porte le nom du roman. Il y a la jeune Emily, adolescente contrariée en devenir, sa mère, Mrs Fletcher, ainsi que sa grand-mère, Mrs Elliot, venue passer ici ses derniers mois. Mrs Fletcher est le pendant féminin du père Grandet de Balzac. Elle vit dans l’obsession de l’économie au point de licencier après la mort de son mari la jeune domestique, de dissimuler tout objet de valeur de peur qu’on la dépouille, et pire, de laisser sa mère mourir de froid lui refusant d’alimenter la cheminée de sa chambre. Emily se replie sur elle-même, se confie à sa grand-mère, tombe sous le charme du pasteur du coin et finit par se marier avec un paysan. Mont-Cinère, la propriété à laquelle tout le monde tient tant, finira par brûler, répandant la chaleur tant espérée mais dans un carnage glacial digne d’un <>Autant en emporte le vent !

Comme dans beaucoup de romans de Julien Green, cet enfer intime décrit avec minutie tend à se libérer au fur et à mesure que l’intrigue avance ; mais Green nous montre l’envers de la médaille en dévoilant les tares de cette illusoire conquête. On est prisonnier des carcans de la tradition, mais les transgresser conduit au chaos. Green, en connaisseur de l’âme humaine, plus que de sa nature, c’est ce qui le distingue de Balzac en quelque sorte, décrypte les rêves, les désirs refoulés, les combats du corps, les acharnements de l’esprit. Emily tombe subitement malade lorsqu’elle parle pour la première fois au paysan, car toute idée de l’amour est avant tout une souffrance, une perturbation organique qui déchire à la fois le cœur, la tête et les principes moraux inculqués depuis le plus jeune âge. Chez Green, les personnages ne s’en remettent jamais. Leur passion les conduit dans un gouffre irrémédiable.

Ce premier roman, annonciateur des thèmes à venir, propose une étude psychologique assez fine. On lit Mont-Cinère dans le même état que les trois jeunes femmes enfermées en permanence dans leur propriété. On est prisonnier de cette écriture qui rase les murs de la maison maudite. Mrs Fletcher, de plus en plus avare, décide de vendre sa plus belle vaisselle de peur qu’on la lui dérobe ! Emily ne parvient pas plus à sortir de sa propriété qu’à échapper à l’éducation rigide de sa mère qu’elle hait par-dessus tout. Enfin, la grand-mère ne survit pas au froid et le mari-paysan devient subitement gênant. Fallait que ça crame... Et Green ne laisse aucune issue à ses personnages maudits dès leur naissance. Un livre dense et subtil qui détaille la vie d’une famille de la fin du XIXe siècle. Avec en prime un personnage féminin central qui reviendra souvent dans son œuvre, avec son cortège d’innocence et de pureté contrariées par la découverte de l’amour et les pressions de la tradition.

Bien sûr, et c’est la conséquence indéniable d’une première œuvre romanesque, Green est un écrivain en devenir. Le livre aurait gagné en densité, en peinture plus âpre et en force narrative. Bernanos ne s’était pas trompé en écrivant en 1926 après la sortie du roman : «Courage, Green, votre oeuvre est bonne», ceci pour marquer la maturité qu’il faut acquérir au fil de l’écriture. Mais redécouvrir ce roman est une bonne chose pour intégrer l’œuvre puissante et singulière qui traversera tout le XXe siècle littéraire.


Jean-Laurent Glémin
( Mis en ligne le 08/07/2008 )
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