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L'inverse de l'inceste
Aude Walker   Saloon
J'ai lu - Nouvelle génération 2010 /  4.80 € - 31.44 ffr. / 189 pages
ISBN : 978-2-290-01722-7
FORMAT : 11cm x 18cm

Première publication en août 2008 (Denoël)
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Saloon est avant tout un recueil d'images. Bien avant d'être le récit erratique de l'existence d'une jeune femme exilée à Paris et étrangère sur la côte Est américaine, bien avant d'être une remontée aux sources et une chasse aux fantômes, une vengeance d'amour, une histoire de famille, bien avant d'être un livre, c'est une collection brillante et haute en couleurs de métaphores, de comparaisons, bref, d'images, plus justes les unes que les autres. Aude Walker veut retranscrire l'impression exacte et qu'importe s'il faut pour cela juxtaposer des idées, des choses, qu'on n’aurait pas imaginées côte à côte. Les petits détails prennent sous sa plume une dignité que seuls pouvaient leur conférer l'attention portée aux odeurs, aux lumières, et leur englobement dans quelque chose de plus important ; pour cette raison on les retrouve selon le contexte attelés aux sentiments dans un zeugma, métamorphosés en madeleines proustiennes ou investis d'une symbolique inattendue : très sincèrement, qui pense à celle des olives noires?

Pourtant, si Assan, le demi-frère aîné de Lisa, les engouffre à la file, cela signifie quelque chose de particulier, tout à fait différent de ce qu'aurait évoqué une consommation compulsive de chocolat ou de whisky, par exemple. C'est peut-être le père inconnu qu'il cherche de la sorte dans leur goût, ou bien la graisse réconfortante qu'il tente d'utiliser comme protection ultime. Peut-être. Plutôt que de tout interpréter, A. Walker préfère laisser le lecteur clés en main ; les descriptions se doivent donc d'être parfaites, et parfaitement imprégnatives.

Étrange dans une famille étrange, la narratrice nous entraîne pourtant sans difficulté dans son sillage. Les verbes conjugués au présent nous obligent à répéter après elle chacun de ses gestes, sans pouvoir la précéder, s'attarder sur une idée qui ne serait pas celle de Lisa. Les retours en arrière explicitent ce qu'il est nécessaire de savoir pour partager les émotions de l'instant exact dans lequel elle se situe. Et les pensées de Lisa, en butte au comportement psychiquement intenable de sa mère Véra, sont à la fois très spéciales et universelles. Parce que les questions de l'amour et de la filiation, de la folie et de l'argent concernent l'ensemble de l'humanité, le lien haineux, compatissant et théâtral qui éloigne désespérément mère et fille devient compréhensible quand bien même l'on n'a pas vu sa génitrice nue avec l'un de ses amants, ou dansant les jupes relevées trop haut sur la table devant l'ensemble des convives lors de sa fête d'anniversaire.

Cette relation hors-norme permet qu'une jeune femme quitte Paris et son mari pour retourner au bord de l'Atlantique, de l'autre côté de l'océan, élucider et résoudre l'énigme de sa famille ; quoiqu'il soit possible d'hésiter avant de donner ce nom sacré à la tribu irlando-américaine oisive et riche de laquelle elle est issue, et à laquelle son père n'a pas su se greffer, pas plus que le deuxième mari de la sublime Véra, lequel est également le troisième à avoir donné un enfant – à quoi cela peut-il bien servir? - à sa femme.

Les personnages sont tout sauf banals, leurs silhouettes intrigantes et leurs rapports compliqués entretiennent chez le lecteur doutes et inquiétudes, l'écriture est saisissante ; pourquoi donc Aude Walker a-t-elle souhaité rajouter à tout cela une fin adolescente, esthétiquement violente sans que la nécessité ne s'en soit fait ressentir, quand la violence réelle résidait dans le quotidien invivable relaté au cours des pages précédentes ? Les explications claires comme la résolution définitive tranchent désagréablement sur le fond subtil, à la fois fou et crédible, auquel l'auteur nous avait habitués en quelques dizaines de pages. Le roman n'en perd pas tout son intérêt, évidemment, mais voir l'aboutissement d'une quête véritablement traumatique et fatalement réaliste se transformer sous nos yeux en dénouement très dix-neuvième, voilà qui donne bien des regrets ; cela peut aussi faire naître de grands espoirs si l'on envisage un livre aussi bien écrit et cette fois dépouillé de cette ultime coquetterie...

Espérons que l'avenir donnera raison aux optimistes, le talent d'Aude Walker en vaut la peine.


Aurore Lesage
( Mis en ligne le 17/03/2010 )
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