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Leon Tolstoï nouvelliste
Leon Tolstoï   La Tempête de neige - Et autres récits
Gallimard - Folio classique 2008 /  7.90 € - 51.75 ffr. / 555 pages
ISBN : 978-2-07-031497-3
FORMAT : 11,0cm x 18,0cm

Traduit du russe par Gustave Aucouturier et Boris de Schloezer.

Préface de Michel Aucouturier.

L'auteur du compte rendu : Scénariste, cinéaste, Yannick Rolandeau est l’auteur de Le Cinéma de Woody Allen (Aléas) et collabore à la revue littéraire L'Atelier du roman (Flammarion-Boréal) où écrivent, entre autres, des personnalités comme Milan Kundera, Benoît Duteurtre et Arrabal.

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Le grand romancier russe Leon Tolstoï (1828-1910) n'a bien sûr pas écrit ses deux chefs d'oeuvres, La Guerre et la paix et Anna Karénine du jour au lendemain ; il a commencé par écrire des nouvelles. Le recueil présenté ici fait ainsi partie des nouvelles écrites avant les deux grands romans. Il est composé de sept récits, fort différents et écrits dans un style simple, clair et précis. Certes, il ne s'agit pas là encore du grand romancier que l'on connaît mais on peut déjà voir dans ces nouvelles, de factures inégales, l'ampleur qu'il aura quelques années plus tard : interrogation métaphysique sur la place de l'homme dans l'histoire et dans le monde, sentiment de l'absurdité de la vie, portraits saisissants et critiques de la condition de la paysannerie et du peuple, force de la nature par rapport à la civilisation, intrusion de l'irrationnel...

La Tempête de neige (1856) ouvre le bal et narre le souvenir d'une nuit à travers la steppe balayée par une tempête de neige. Aucun psychologisme ici, sans aucune histoire sinon l'évocation d'une tempête de neige, avec le résumé de la fragilité et de la faiblesse de l'homme prisonnier dans un paysage et subissant une nature qui le contient et le dépasse. Un tour de force que ce récit presque sans fiction. En revanche, Deux hussards met en scène deux générations. C'est peut-être la plus émouvante des nouvelles car Leon Tolstoï y évoque une fois de plus le temps qui passe et la nostalgie d'une époque révolue. Plus précisément, apparaît le thème de la fêlure. Le récit oppose un homme, Tourbine, tête brûlée, joueur, noceur infatigable, coureur de jupons impénitent puis, trente ans plus tard, son fils, qui se comporte d'une façon moins éclatante et plus mesquine. Ce dernier a du mal à affronter le souvenir qu'a laissé son père dans les mémoires et il croit même séduire une jeune femme un peu étourdie (une veuve) alors que celle-ci s'enfuira à son approche en pleine nuit. Au terme de ce ratage minable, le fils s'interroge sur ses velléités réelles face à l'existence, sur son courage et sur le fait qu'il rate sa vie sans agir.

Dans La Matinée d'un gentihomme rural (1856), Leon Tolstoï critique les misères du servage. Quatre portraits de paysans russes à la veille de l'abolition du servage, présentés dans leur habitat à l'occasion de la visite que leur rend leur jeune maître. Tolstoï donne un portrait fort critique de ces paysans : l'un d'entre eux est certes travailleur et consciencieux mais il ne veut pas quitter son isba pour une construction plus fertile ; un autre est un mauvais garçon, exploitant sa vieille mère au profit d'une épouse dépensière ; un troisième est inapte au travail, ayant mené sa première femme à la tombe, tandis que sa mère implore le jeune maître de lui trouver une seconde épouse ; et, enfin, le quatrième, un paysan riche dont les enfants pratiquent le métier lucratif de rouliers, cache son argent pour rejeter l'offre du maître qui voudrait l'intéresser à l'exploitation de son domaine.

Carnets du prince Nekhlioudov, Lucerne est le récit étrange d'un narrateur invitant à la table d'un hôtel de luxe un petit chanteur tyrolien ambulant que les riches clients anglais humilient de leur indifférence en ne lui versant aucune obole. Le narrateur s'interroge alors sur la différence qu'il y a entre les faits et les belles idées. "Se peut-il que le développement de la communauté fondée sur la raison et l'égoïsme que l'on appelle civilisation anéantisse et contredise les besoins de la communauté fondée sur l'instinct et l'amour ? Et se peut-il que ce soit là cette égalité pour laquelle a été versé tant de sang innocent et ont été commis tant de crimes ? Se peut-il que les peuples, comme des enfants, puissent se satisfaire du seul son de ce mot d'égalité ?" (p.307). Tout tourne autour du dilemme : s'indigner ou faire partie de l'ordre du monde, tout comme cet égoïsme?... La nouvelle, piquante, est de plus remarquablement écrite. Albert reprend en partie cette thématique : il s'agit cette fois-ci d'un violoniste de l'Opéra, Albert, que soutient un riche mélomane, le comte Délessov. Le violoniste fuira cette protection pour finir par mourir de faim et de froid sur le seuil d'une maison. Polikouchka est l'histoire tragique par excellence ; elle évoque le suicide d'un paysan qui ne supporte pas d'avoir trahi, sans le vouloir, la dame noble dont il est le serf.

Enfin, Le Cheval narre l'histoire d'un vieux cheval, un hongre, achevant sa carrière de trotteur dans un pâturage où de jeunes juments viennent le taquiner. Émouvant, poignant, ce récit n'est pas sans rappeler le film magnifique de Robert Bresson, Au Hasard Balthazar. Ce dernier parlait d'un âne qui subissait les turpitudes des hommes, et de l'humilité de l'animal face à la vanité et à la bêtise. Ici, Tolstoï commence par critiquer l'attitude des autres, les jeunes chevaux et juments, envers le vieil animal, devenu une sorte de bouc émissaire, avant que ce dernier ne raconte son histoire prestigieuse. La fin est terrible et tragique puisqu'elle se finit chez l'équarrisseur ! Un récit bouleversant, qui met à nu.


Yannick Rolandeau
( Mis en ligne le 03/09/2008 )
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