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Poches -> Histoire |
| Bertrand Badie La Diplomatie de connivence - Les dérives oligarchiques du système international La Découverte - Poche 2013 / 9.50 € - 62.23 ffr. / 281 pages ISBN : 978-2-7071-7666-0 FORMAT : 12,6 cm × 19,2 cm
Première publication en mai 2011 (La Découverte)
L'auteur du compte rendu : Sébastien Laurent est maître de conférences habilité à lUniversité de Bordeaux, spécialiste des questions de renseignement et de sécurité. Imprimer
On distinguera dans luvre de Bertrand Badie cette Diplomatie de connivence : tout aussi dense et roboratif que ses précédents livres, il tranche dès le titre par son ton inhabituel. Il y est en effet question de «connivence» et de «dérives», termes habituellement employés pour évoquer la vie politique nationale. On ne sera pas surpris en revanche de lapproche car lauteur nous a habitués à nous faire parcourir le vaste monde à grands pas. Celui qui avait remis en cause une vision des relations internationales trop focalisée sur les États et réhabilité le rôle des acteurs non étatiques, à commencer par les sociétés civiles, a voulu proposer dans cet essai une réflexion sur les déséquilibres du système international. Lauteur fait plus quemporter la conviction tant son raisonnement est appuyé sur une connaissance impressionnante des relations internationales depuis deux siècles : il séduit tant que le ton de louvrage, enlevé - parfois vif lorsquil dénonce la domination par un club des Grands , nempêche pas de mesurer le sérieux de sa démonstration implacable.
Lidée centrale, et lanalyste des relations internationales quest B. Badie se découvre alors aussi comme un remarquable historien, est celle dune permanence de la diplomatie oligarchique, du concert des 5 «grands» européens à Vienne en 1815 à celle du G20 depuis 2008. En une cinquantaine de pages particulièrement réussies, lauteur montre les brèves et infructueuses tentatives depuis 1815 de mise en place à léchelle mondiale d'une diplomatie multilatérale. Mais une loi comme immanente a ramené sans cesse la réalité mondiale à ce quelle est aujourdhui, celle dune domination des puissances occidentales, démocratiques et riches sur le système international. Cest peu de dire que lauteur ne croit pas à linfluence de la diplomatie onusienne : elle est peu évoquée dans le livre, signe de la conviction que cest toujours le «club» qui gouverne le monde.
Sappuyant sur une sociologie de linternational, lauteur débouche sur des constats profondément désillusionnés. Dans le monde «apolaire» dans lequel nous vivons, il montre la faible efficacité de la diplomatie de club qui, privilégiant la déclamation, entraîne des consensus a minima et un «endiguement conservateur» profondément néfaste. Si le constat est pessimiste, lauteur relève la contestation grandissante par les États (en 2011, le club du G20 laisse de côté 173 États) et par les ONG exclus de loligarchie : cest pour lui lindice de la naissance dune «société civile internationale» aux contours toutefois encore assez flous. Quelques organisations régionales puissantes le forum IBAS (Inde, Brésil et Afrique du Sud) et lorganisation de coopération de Shanghaï (comprenant la Chine et la Russie) tentent de remettre en cause la diplomatie de club.
Cependant, il est douteux quelles parviennent à remettre en cause pleinement la loi dairain des oligarchies internationales dont Bertrand Badie a démontré lexistence et éclairé le fonctionnement.
Sébastien Laurent ( Mis en ligne le 11/06/2013 ) Imprimer
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