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Le baroque insaisissable
Victor-Lucien Tapié   Baroque et classicisme
Hachette - Pluriel 2000 /  9.92 € - 64.98 ffr. / 520 pages
ISBN : 2-01-279011-9
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Publié pour la première fois en 1957, le Baroque et classicisme de Victor-Lucien Tapié, synthèse consacrée à la définition et à l’histoire de l’art baroque, est rapidement devenu un classique. L’auteur prenait le contre-pied d’une école qui donnait du baroque une définition extensive, jusqu’à en faire une tendance récurrente du mouvement des arts ou un des grands invariants de la nature humaine. La baroque est le bizarre, l’irrégulier: son nom, même, évoque l’excès, les courbes, les dorures. L’art classique, par contraste, serait tout, ordre, raison et sérénité.

À l’inverse de ces théories, V.-L. Tapié identifie l’art baroque de façon nette et restrictive : continuant la Renaissance, il est né en Italie, dans le contexte de la réforme catholique, a connu sa première efflorescence et ses plus belles réalisations dans la Rome des papes et, de là, s’est peu à peu diffusé dans le reste de l’Europe. Ce baroque romain a été plus ou moins accepté, plus ou moins intégré et réinterprété par les traditions nationales.

Baroque et classicisme retrace ce double mouvement de diffusion et de recréation. L’étude suit un plan à la fois géographique et logique, en quatre livres : l’Italie d’abord, la France, en second lieu, l’Europe centrale et orientale, ensuite, Europe occidentale et Amérique, enfin.

Tout commence donc à Rome, ville de l’Antiquité, ville de la Renaissance, ville aussi de la contre-réforme. C’est la Roma triumphans des grands pontifes post-tridentins. Si l’art baroque n’est pas, comme on l’a longtemps dit, un art jésuite - l’auteur montre cependant l’importance de l’église du Gesù (p104-114), il est bien un art romain, dont Bernin et Borromini ont donné les chefs d’oeuvres emblématiques : baldaquin de Saint-Pierre (p.136-140), église de Saint-Charles-aux-quatre-fontaines (p.142-143), chaire de Saint-Pierre (p.147-150), colonnade de Saint-Pierre (p.150-151), extase de Sainte-Thérèse (p.155-158).

Première puissance de l’Europe, fille aînée de l’Église, la France accueillit pourtant l’art baroque avec réticence : l’histoire de cette réception ambiguë fait l’objet de la deuxième partie de Baroque et classicisme. V.-L. Tapié montre l’existence d’un penchant baroque dans les sensibilités du temps, visible par exemple dans les décors édifiés pour l’entrée royale du 26 août 1660 (p.204-216). Le voyage de Bernin à Paris en 1665 montre cependant que les Français n’acceptèrent pas sans réserves les créations de l’Italie (p.225-253). Le maître connut un demi-échec, avec le refus de ses projets pour le Louvre. Pour l’auteur, ce ne fut pas le triomphe du classicisme sur le baroque, mais celui des architectes français sur un dangereux concurrent italien. Bernin a pourtant laissé quelques traces à Paris (le baldaquin du Val-de-Grâce, le buste de Louis XIV). Versailles même doit beaucoup aux palais de la Péninsule (p.262-269). Dans leur volonté de gloire et suivant un esprit de mercantilisme artistique (p.255), Louis XIV et ses ministres ont voulu avoir "tout ce qu’il y a de beau en Italie". Mais les leçons transalpines ont été mises à la mode de France ; le goût français pour le raisonnement et les belles doctrines est passé par là : ainsi naît le classicisme.

Les deux autres livres, consacrés à l’art baroque des autres pays européens et des Amériques, sont plus descriptifs que problématiques. V.-L. Tapié étudie les oeuvres maîtresses des différentes traditions nationales : le baroque des abbayes en Allemagne (p.325-332), Saint-Nicolas de Mala-Strana à Prague (p.341-342), Saint-Paul de Londres (p.368-380), l’hôpital de Greenwich (p.385-388) et le palais de Blenheim (p.389-391) en Angleterre, l’Escorial en Espagne (p.400-402), etc.

Si les définitions et les conclusions de Victor-Lucien Tapié sont désormais passées dans l’usage et universellement acceptées, sa démonstration, bâtie à l’âge de la prépondérance marxiste, a beaucoup perdu de sa force. Aujourd’hui, le souci d’expliquer l’art par son contexte politique, économique et social ne convainc plus guère. On ne peut qu’adhérer à l’intérêt de l’auteur pour le "climat social et mental" entourant l’oeuvre d’art (p.49), à son refus du compartimentage des disciplines (p.74). Cependant, la définition du baroque comme un art monarchique, aristocratique, religieux et terrien (p.436) paraît à présent bien naïve. Quel art ne l’a pas été jusqu’à l’ère industrielle ? Le baroque serait l’"expression d’un ordre religieux, social et politique" (p.439). Sans doute, mais quel art ne l’est pas ?

C’est dire que la présente édition laisse insatisfait : elle est une simple réimpression d’une publication de 1980, elle-même réédition d’un ouvrage de 1957. Aucun titre de la bibliographie n’est postérieur à 1972 ! Le seul apport depuis la première édition est la préface de Marc Fumaroli, pétillante d’intelligence et de malice, rédigée en 1979 et qui forme une véritable étude séparée. Cette paresse éditoriale est bien regrettable. L’ajout d’un supplément bibliographique aurait été un minimum.

On s’étonnera aussi, pour finir, de la totale absence d’illustrations, que ce soient plans, gravures ou photographies : ces écrits d’histoire de l’art, fondés sur l’analyse des oeuvres, mais d’où les oeuvres sont absentes, donnent toujours à rêver. Quel public vise-t-on ? Décrire ou mentionner toiles, sculptures et bâtisses sans les montrer, c’est les supposer connues du lecteur au préalable. Mais ce lecteur - qu’il faut croire grand lecteur et grand voyageur - si sa culture est déjà universelle, quel besoin a-t-il de se plonger dans d’arides descriptions de lieux et d’objets familiers ? Voilà matière à quelques réflexions bourdieusiennes sur la connivence des élites… bien loin des triomphes baroques.


Thierry Sarmant
( Mis en ligne le 14/03/2001 )
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