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THE privé
Raymond Chandler   The Long Good-bye (Sur un air de navaja)
Gallimard - Folio policier 2008 /  7.60 € - 49.78 ffr. / 475 pages
ISBN : 978-2-07-040474-2
FORMAT : 11,0cm x 18,0cm

Traduction de Janine Hérisson et Henri Robillot.

L'auteur du compte rendu : Scénariste, cinéaste, Yannick Rolandeau est l’auteur de Le Cinéma de Woody Allen (Aléas) et collabore à la revue littéraire L'Atelier du roman (Flammarion-Boréal) où écrivent, entre autres, des personnalités comme Milan Kundera, Benoît Duteurtre et Arrabal.

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"Je suis détective privé, et depuis pas mal de temps. Je suis un loup solitaire, célibataire, bientôt entre deux âges et fauché. Je me suis retrouvé en taule plus d'une fois et je ne m'occupe pas d'affaires de divorce. J'aime l'alcool, les femmes, les échecs et quelques autres petites choses. Les flics ne m'aiment guère, mais j'en connais deux avec lesquels je m'entends. Je suis un fils du pays, né à Santa Rosa, mes parents sont morts ; je n'ai ni frère ni soeur, et si je me fais assommer au fond d'une impasse un jour, comme ça pourrait arriver à n'importe qui dans mon métier, comme d'ailleurs à des tas de gens dans d'autres métiers ou même sans métier, personne ne se dira que ma vie a perdu son sens" (p.118). Ainsi se définit le célèbre détective privé Philip Marlowe, apparu dans Le Grand Sommeil et incarné à l'écran par Humphrey Bogart.

Raymond Chandler (1888-1959) est son créateur. Connu pour son immense influence sur le roman noir moderne, en particulier par son style, souvent imité, Raymond Chandler publia son premier poème dans les années 1910. Après avoir quitté le service civil, il travaille comme pigiste et continue à écrire des poésies de style. Il revient aux États-Unis en 1912 et se forme pour être comptable. En 1917, il s'engage dans l'armée canadienne et combat en France. Après l'armistice, il s'installe à Los Angeles et entame une une liaison avec une femme plus âgée (Cissy Pascal) qu'il épousera par la suite. En 1932, Chandler est devenu vice-président du Dabney Oil Syndicate à Signal Hill en Californie mais il perd ce travail lucratif à cause de son alcoolisme. Il apprend seul à écrire des pulps (romans de gare) pour tenter de gagner sa vie par ses talents artistiques. Sa première histoire est publiée dans Black Mask en 1933. Son premier roman, The Big Sleep, est publié en 1939. Suite au succès de ses romans, il travaille comme scénariste pour Hollywood, notamment avec Billy Wilder sur le roman de James M. Cain, Double Indemnity (1944) ; il écrit son seul scénario original The Blue Dahlia (1946). Sa femme morte, Chandler recommence à boire. Il tente de se suicider en 1955 et meurt de pneumonie en 1959.

L'intrigue de The Long Good-bye est fort simple, avec une série d'enquêtes criminelles, des trahisons, des femmes fatales, des mensonges, des mines patibulaires, etc. Le détective Philip Marlowe a sympathisé avec Terry Lennox, poivrot impénitent travaillant dans le cinéma. Celui-ci a épousé Sylvia, la fille d'un milliardaire, pour son argent. Le couple divorce, puis se réconcilie. Régulièrement, Marlowe rencontre son ami pour vider un verre. Un jour, prétextant des ennuis, Lennox lui demande de le conduire en voiture jusqu'à la frontière mexicaine. À son retour, le détective est interpellé par la police. Sylvia a été retrouvée assassinée. Soupçonné de complicité, Marlowe est emprisonné. L'enquête se poursuit, à la demande d'Eileen Wade qui charge Marlowe de retrouver son époux Roger Wade, auteur de nombreux best-sellers et disparu en cure chez un médecin depuis plusieurs jours. Mais notre célèbre enquêteur s'aperçoit en recoupant les éléments des deux affaires qu'un point commun apparaît de façon nette : le personnage de Lennox, également connu sous une autre identité...

Philip Marlowe, homme solitaire, enquête. Mais derrière l'intrigue, le roman offre un portrait cruel de la société californienne, et du monde du cinéma au passage. La traduction précédente, Sur un air de navaja, avait été amputée d'un tiers du texte original. La vision dessinée par Raymond Chandler est noire, pessimiste, sans aucun espoir concernant la nature humaine, hormis un code d'honneur lié à l'amitié le plus souvent.

L'intrigue n'est pas ce qui fait le point fort des romans policiers. Il s'agit toujours plus ou moins d'un privé enquêtant sur un crime. La description des ambiances participe alors pour beaucoup au succès de l'oeuvre. De ce point de vue, The Long Good-bye est un roman réussi et captivant, qui doit profondément à la solitude mélancolique de son anti-héros, à sa façon désabusée de mener son enquête, de ne pas croire en grand chose, de côtoyer des crapules et des policiers n'ayant rien à s'envier les uns des autres. Ici les héros sont suspects, comme les femmes, forcément venimeuses... On comprend que Boris Vian ait aimé cette ambiance au point de traduire Le Grand sommeil, un des modèles phares du roman noir !

Il y a derrière tout cela une grande sensibilité retenue, un profond désarroi. Le côté asocial de Marlowe joue sans doute sur une méfiance radicale concernant l’humanité en général. Chez lui, un individu qui a du cœur est suspecté de cacher quelque chose et avant qu’un homme soit vraiment homme d’honneur, il doit au moins le prouver dans les faits. Les lecteurs se reconnaîtront dans ce portrait, eux qui lisent la nuit ces romans quand tout le monde dort…

Ce n'est pas non plus le style en soi qui fait la qualité de ce genre de livres qui se lisent rapidement et où le lecteur doit rentrer d'emblée dans le vif du sujet. Ici, phrases courtes et allusives, ainsi que les dialogues, font le reste. Cependant, Raymond Chandler distille ces petites phrases, fort célèbres au demeurant, lancées par Marlowe, comme des traits acerbes, fulgurants, décapants, ou humoristiques : "J'entendis les cloches sonner, mais pas celles de Pâques" (p.55), "Gregorius me montra ses dents. Elles avaient besoin d'un sérieux décapage" (p.63)," Espèce de torchon : tu me feras penser à ne pas m'essuyer les pieds sur ta figure, hein ?" (p.103), "L'atmosphère commença à résonner de "chéris" et d'éclats d'ongles vernissés" (p.124), "Je m'intégrais à Idle Valley comme une gousse d'ail à un banana split" (p.126), etc.

Un must dans le genre ! Et donc forcément à lire pour comprendre tout ce qui en a découlé. Notons que The Long Good-bye a été adapté au cinéma par Robert Altman sous le titre Le Privé (1973) avec Eliot Gould.


Yannick Rolandeau
( Mis en ligne le 05/01/2009 )
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