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Poches -> Policier & suspense |
| Margaret Doody Aristote et les belles d'Athènes 10/18 - Grands détectives 2006 / 10 € - 65.5 ffr. / 445 pages ISBN : 2-264-04184-6 FORMAT : 11,0cm x 18,0cm
Traduction de Bernard Cucchi. Imprimer
La collection «Grands détectives» de 10-18, si friande dhistoires romaines avec les romans de Steven Saylor, John Maddox Roberts ou Danila Comastri Montanari, ne pouvait pas ignorer lAntiquité grecque. Avec Margaret Doody, elle entreprend de redonner vie au grand Aristote lui-même, le fondateur du Lycée et ancien élève de Platon. Aristote et les belles dAthènes est ainsi le quatrième opus de la série, après Aristote détective (paru en anglais en 1978), Aristote et loracle de Delphes, puis Aristote et les secrets de la vie (le cinquième volume, Aristote et les mystères dEleusis, na pas encore été traduit en français).
Margaret Doody est née en 1939 au Canada. En 1968, elle a obtenu son doctorat à Oxford avec une thèse sur Samuel Richardson. Elle a ensuite enseigné dans les universités américaines de Berkeley et Columbia, avant de devenir en 1992 directrice du Département de littérature comparée à luniversité Vanderbilt de Nashville, dans le Tennessee. Auteure de nombreux ouvrages universitaires (sérieux, il va sen dire
), elle est surtout connue du grand public pour ses romans policiers historiques, qui lui permettent de renouer avec un genre quelle ne rougit pas dapprécier, depuis sa découverte des uvres dArthur Conan Doyle et dAgatha Christie à laube de son adolescence. Après tout, le grand Jacoby lui-même ne lisait-il pas des romans policiers, le soir, pour se délasser de ses longues journées passées à collecter les fragments des anciens historiens grecs ?
Le véritable héros nest cependant pas tant Aristote que son jeune élève (complètement fictif) Stéphanos, fils de feu Nikhiarkhos, citoyen dAthènes qui va sur ses vingt-six ans et sapprête à épouser la belle Philoméla, fille de lirascible fermier éleusinien Smikrénès. La belle Philoméla est cependant peu présente dans cette aventure. Elle sefface, comme il sied à une bonne Athénienne qui ne doit pas faire parler delle, devant dautres «belles» beaucoup plus sulfureuses, des esclaves, affranchies ou métèques qui font commerce de leurs charmes, splendides hétaïres ou plus modestes pornai auxquelles notre héros nest pas toujours insensible. Et cest ce milieu de péripatéticiennes que Stéphanos et son maître, fondateur de lécole homonyme (car philosophes et prostituées passent également leur temps à déambuler, mais pas forcément pour les mêmes raisons
) vont devoir fréquenter pour les besoins de leur enquête.
En effet, la belle esclave Marylla était venue demander à Aristote de défendre son maître Orthoboulos, accusé par lignoble Ergoklès de lavoir frappé, pour un différend au sujet de la jeune femme. Le riche et respectable Orthoboulos avait été bien vite acquitté. Cependant, quelques mois plus tard, le corps sans vie de lhonorable citoyen est retrouvé dans la chambre dun bordel, empoisonné à la ciguë. Krito, le fils de la victime, accuse rapidement sa belle-mère Hermia, la nouvelle épouse dOrthoboulos, tandis que son jeune frère Kléiophon soppose à son aîné et prend le parti de la jeune femme. Las, le garçon disparaît bientôt mystérieusement, sans quon sache sil sest enfui, a été enlevé ou pis encore
Stéphanos et Aristote, aidés notamment de Théophraste, éminent spécialiste des plantes et futur successeur du philosophe à la tête du Lycée, se mettent en quête du disparu tout en essayant de démasquer le véritable coupable, la pauvre Hermia leur apparaissant bien vite comme innocente. Ils croisent ainsi sur leur route le comédien Arkhias, espion du régent macédonien Antipater, le sculpteur Praxitèle et son fils, Manto et Tryphaine, tenancières de bordel, mais aussi la sublime Phrynè, hétaïre de haut rang considérée comme la plus belle femme dAthènes. Margaret Doody ressuscite ainsi avec saveur le procès pour impiété de la belle, défendue par lorateur Hypéride devant lAéropage, sur fond de rivalités politiques entre pro et anti-macédoniens. Fameux procès où la séduisante courtisane ne fut acquittée que pour avoir été dénudée par son avocat, révélant à tous les spectateurs sa beauté digne de limmortelle Aphrodite !
Finalement, plus quaux étapes de lenquête, cest à la reconstitution dune époque que sintéresse ce roman, et lauteure sest manifestement bien documentée sur le sujet. Elle redonne ainsi vie à des personnages historiques et des événements bien connus, nous révélant le fonctionnement du système judiciaire et les détails dun procès dans lAthènes du IVe siècle av. J.-C, sans oublier les éléments les plus sordides (par exemple, le fait que le témoignage dun esclave nétait valide que sil avait été torturé). Elle nous plonge aussi dans les réflexions du cercle dAristote sur les constitutions, et particulièrement la constitution dAthènes, nous montrant ainsi la genèse de cette uvre majeure que constitue la Politique. Elle noublie pas non plus dévoquer les Recherches sur les plantes de Théophraste, qui sintéresse cependant ici plus particulièrement aux propriétés mortelles de la dangereuse ciguë. Le tout forme un roman agréable à lire, un divertissement qui donne envie daller voir dun peu plus près les sources antiques, pour qui sintéresse, entre autres, à la philosophie aristotélicienne, ou, plus prosaïquement, aux charmes que lon disait irrésistibles de la belle Phrynè de Thespies, qui inspira la première statue nue dAphrodite à Praxitèle, cette «Vénus de Cnide» dont on peut encore admirer aujourdhui des copies dépoque romaine.
Sébastien Dalmon ( Mis en ligne le 11/10/2006 ) Imprimer
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