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Bande dessinée -> Autre |
| Krzysztof Gawronkiewicz Krystian Rosenberg Achtung Zelig ! Casterman - Un Monde 2005 / 13.75 € - 90.06 ffr. / 56 pages ISBN : 2203391480 FORMAT : 24 x 32 cm
Préface de Grzegorz Rosinski. Imprimer
Zelig et son père, 2 juifs polonais, fuient les nazis. Ils ont sauté du train qui les emmenait en déportation et ils marchent à laveuglette, dans lhiver et le brouillard polonais qui nen finissent pas. Zelig fils, dit aussi « junior », a une tête de grenouille. Zelig père a une tête de Lézard. De laveu même de Zelig, cette apparence peu commune ne les a jamais aidés à sintégrer, y compris dans la communauté juive de leur village. Piégés par le brouillard, ils se retrouvent bientôt au beau milieu dun détachement allemand. Celui-ci est commandé par un curieux personnage, nain vêtu dune robe noire et dun grand chapeau pointu frappé de svastikas.
Comme les deux fugitifs tentent de passer sans se démonter, il les accueille, les invite à boire un verre, puis séchauffe, se met à raconter sa vie, sa jeunesse dans la Vienne des années 20, ses ambitions déçues à cause de sa petite taille... Cest en véritables amis que les trois larrons se quittent, sous le regard impassible des soldats allemands. Jusquà ce que létrange petit nain décide de ne pas les laisser partir sans cadeau. Dun camion militaire bourré de chats, tous les chats de Pologne raflés pour on ne sait quelle mystérieuse expérience militaire, il extrait un chaton quil offre à Zelig
Ce chat va être le déclencheur dune série de péripéties de plus en plus grotesques, où le caractère sibyllin des premières pages se renforce et se mue parfois en franche absurdité.
Dans la postface de lalbum, le grand dessinateur Rosinski déclare quil apprécie tout particulièrement dans cette BD labsence de politiquement correct et de « déjà vu », et il est vrai quon ne peut pas être plus loin du traitement stéréotypé de la Seconde Guerre mondiale et des juifs polonais. Mais enfin lexcentricité nest pas une qualité en soi ; ici tout se passe comme si les auteurs voulaient construire un récit grave sur le sort fait aux juifs pendant la guerre, tout en étant perpétuellement tentés de saboter leur propre discours, et de le torpiller en quelque sorte de lintérieur par des incursions de plus en plus fréquentes dans le décalé, voire le franc grotesque. Pudeur excessive ? Volonté de fuir lesprit de sérieux ? Humour slave ? On ne sait, mais le lecteur se perd un peu au milieu de tous ces niveaux de lecture qui se contrecarrent.
Dautant quon saisit mal le sens de certains détails, que rien ne vient justifier par la suite (le chapeau pointu de lofficier, les têtes de monstres de Zelig et son père ?). Cest dommage, dautant que le récit est mené avec maîtrise et une très grande liberté graphique. Les dessins, dans le style des grands Italiens des années 70, exploitent avec bonheur et pas mal de bonnes idées lespace de la page ; certains gags sont franchement drôles (le schéma de lofficier SS qui retombe toujours sur ses pattes !), certaines digressions montrent une jolie sensibilité (le rêve du père, dans une page noire comme la nuit et peuplée de poignées de portes
), autant de qualités proprement bédéphiliques quon aimerait voir plus souvent, ou dans un scénario plus cohérent. Peut-être avec un deuxième volume comprendrons-nous davantage où les auteurs veulent en venir.
Jean-Baptiste Perret ( Mis en ligne le 03/10/2005 ) Imprimer
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