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Bande dessinée -> Manga |
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Naïf et terrible à la fois | | | Keiji Nakazawa Gen d'Hiroshima (tome 1) Vertige Graphic 2003 / 15.00 € - 98.25 ffr. / 288 pages ISBN : 2908981637 FORMAT : 17 x 24 cm Imprimer
Keiji Nakazawa est ce quon appelle un rescapé : alors quil na que 7 ans, il perd son père, son frère et sa sur, suite au lancement de la première bombe atomique américaine sur Hiroshima, le 6 août 1945. Marqué à vie par ce terrible événement, Nakazawa publie en 1972 un récit de son expérience (Je lai vu), avant de nous offrir la série de Gen lannée suivante.
Ce manga, tout à fait particulier dans son genre, retrace ainsi lhistoire dun petit garçon japonais, Gen Nakaoka, et de sa famille, pendant la Seconde Guerre mondiale. Accusés de traîtrise par les gens du quartier en raison des positions pacifiques du père, Gen et sa fratrie subissent brimades et humiliations, jusquau jour où Koji, laîné, décide de sengager dans larmée pour essuyer ce déshonneur et faire taire les médisants.
Lhistoire, parfois redondante et confuse, nest quun prétexte ici pour dénoncer la propagande éhontée à laquelle se livra le gouvernement japonais à cette époque : de lembrigadement de jeunes étudiants pour soutenir leffort de guerre, à la formation de kamikazes prêts à mourir pour leur pays, en passant par le piétinement des effigies de Churchill et Roosevelt dessinées à même les trottoirs, le patriotisme exacerbé de ces années-là est ainsi disséqué sur pas moins de 270 pages. La famine, la misère, les coups, rien ne nous est épargné.
Mais, malgré ce désir de réalisme, lauteur cède quelque peu à la facilité du manichéisme de bazar, où les méchants sont très méchants, va-t-en guerre, et de surcroît racistes (haine des Coréens, Chinois, Anglais, Américains et tutti quanti), et les gentils particulièrement mièvres, généralement mineurs ou de sexe féminin
Art Spiegelman souligne dailleurs dans la préface du tome cette naïveté qui pousse à faire croire que le Japon, de par son entêtement militaire et son nationalisme outrancier, a causé sa propre perte ; naïveté qui ne manque pas de brosser dans le sens du poil le public occidental, quand elle ne réduit pas tout simplement cette série à de la littérature pour enfants.
Cependant, cette vision simpliste et moralisatrice de lauteur est vite oubliée lorsque lépisode du bombardement même est abordé. Le défi semble clair : comment raconter lindescriptible ? Comment retranscrire toute lhorreur dun tel événement ? Et Nakazawa de nous livrer un témoignage bouleversant, dun réalisme effroyable, parfois à la limite du soutenable, où lépouvante fait peu à peu place à lémotion, révélant ainsi son véritable talent de conteur. Un pari très ambitieux, donc, et en partie réussi. En effet, on déplorera la simplicité du trait («La physionomie des personnages tend souvent vers le mignon jusquà lécurement» remarque le très lucide Spiegelman) et des personnages à la profondeur psychologique quasi inexistante, exception faite du père, pacifiste convaincu qui ne rechigne pourtant pas à frapper ses enfants et fait preuve dune intolérance rare lorsque son fils lui annonce son engagement dans larmée
On comprendra que lattention de Nakazawa se soit reportée sur la scène du bombardement, dommage que cela se fasse au détriment de lhistoire.
Heureusement, quelques traits dhumour apportent la légèreté nécessaire à ce témoignage et confèrent à cette uvre une dimension optimiste non négligeable. Terminons par une petite anecdote : Nakazawa impliqua par erreur Einstein dans le projet Manhattan (dont lobjectif était la réalisation dune arme atomique par les États-Unis), auquel il ne participa jamais directement. Erreur évidemment soulignée par léditeur, mais qui vaudra au savant dêtre croqué à plusieurs reprise dans ce volume
Océane Brunet ( Mis en ligne le 23/09/2003 ) Imprimer | | |
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