|
Bande dessinée -> Réaliste |
| Manu Larcenet Blast (tome 2) - L’Apocalypse selon saint Jacky Dargaud 2011 / 22.90 € - 150 ffr. / 208 pages ISBN : 9782205067590 FORMAT : 21,6x27,8 cm Imprimer
Où lon retrouve Polza Mancini. Cet homme de près de quarante ans et de 150 kilos est toujours en garde-à-vue pour le meurtre dune jeune femme. On ne connaît rien des circonstances du drame, on laisse le temps à Polza de se raconter, de sexpliquer. Lui lobèse, lui qui vit avec ce corps immense à la fois repoussant, reposant et signe dun mal-être. Lui qui a perdu son père, puis son frère dans détranges circonstances. Lui qui se retrouve seul à cogiter (cest fou ce quil cogite), trop lucide sur lui-même et ce qui lentoure pour mener une bête vie. Il décampe, se saoule (littéralement), se remplit la bedaine et les joues de barres au chocolat et fuit la compagnie des hommes pour celle des grands arbres et des maisons abandonnées. Et parfois, il y a le blast. Cet état entre transe et orgasme qui le fait (sur)vivre. Cette incroyable sensation, indescriptible, sublime, qui le fait devenir léger comme une bulle, et lui en fait voir de toutes les couleurs. Dans ce monde gris brouillard, cela fait du bien.
Ce deuxième tome continue de suivre la confession de Polza aux flics qui lentourent. Il raconte son errance dans la campagne, ses rêves et cauchemars, sa rencontre avec un autre marginal, Jacky, le dealer de la cambrousse. Encore plus que dans le premier volet, le récit prend son temps, multiplie les pages muettes, les vignettes-impressions. Et lorsque le silence est brisé, cest pour laisser la place à la logorrhée de Polza, lettré finaud, qui aime faire des phrases et parler avec autant de mystère que de recherche. Dans le même genre, Jacky multiplie lui aussi les effets de style. Dans Blast, les marginaux ne sont pas idiots, et le fait de vivre en dehors de la sphère des humains, excentré, nen revient pas à devenir forcément excentrique. Polza est posé, réfléchi, clair. Et sacrément mystérieux. Cest un personnage fort, qui a tout pour devenir un mythe, une figure incontournable à la dimension immense. Plus quun héros de bande dessinée, un super héros ; voir à cet égard la page 65 de ce volume où la silhouette capée de Polza fend la pluie avec la prestance dun Dark Knight nouvelle génération.
Tout le travail de Larcenet dans ces deux albums revient en effet à faire de cet insolite personnage un être à la fois singulier mais crédible, puissant et fragile, violent, odieux mais que lon prend pourtant en sympathie et dont on senquiert vivement. Polza Mancini est de ces personnages que lon noublie pas de sitôt, et il est vrai que rarement la bande dessinée ne sest attachée avec autant de soin et dintensité à portraiturer et incarner un personnage de papier. Et si le récit prend son temps, cest que tout repose sur cette insistance à poser un personnage en tant que cur de lhistoire. Le pari est finalement risqué, et ce sera dans la constance autant que dans la passion et la rigueur que la description complète de Polza pourra faire de la série une réussite complète.
Voilà lune des séries les plus réjouissantes et ambitieuses du moment. Réjouissante car pleine de surprises, de questions, de moments forts, dambiances et de tension. Ambitieuse car, au-delà de laspect monumental de ce travail, Larcenet se lance dans un récit fort qui accepte de prendre son temps, de laisser planer les silences, les vues. Il y a quelque chose du manga dans cette façon de raconter les choses sans se précipiter, de prolonger laction sans avoir peur deffrayer son éditeur (quatre tomes de plus de 200 planches sont dores et déjà prévus), de sattacher aux paysages autant quaux personnages et dinstaller ce climat dune case à lautre, oppressant, inquiétant, ne lâchant jamais son lecteur. Au même titre que ce rythme lancinant, le dessin, superbe, est évidemment pour beaucoup dans le plaisir que lon suit à découvrir la destinée de Polza. Sous un trait effilé mais précis, Larcenet multiplie les effets de matière et de textures, les jeux dombres et de lumières.
On na donc plus quune peur, que le soufflé ne retombe. On sarrête de respirer, et lon attend, plein despoir !
Alexis Laballery ( Mis en ligne le 03/05/2011 ) Imprimer
A lire également sur parutions.com:Blast (tome 1) de Manu Larcenet Le Combat ordinaire (tome 3) de Manu Larcenet Bill Baroud de Manu Larcenet
Ailleurs sur le web :Epais et tordu, le site de Manu Larcenet | | |
|
|
|
|