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Retour gagnant
Chantal Montellier   Les Damnés de Nanterre - et TGV - Conversations ferroviaires
Denoël - Graphic 2005 /  20 € - 131 ffr. / 88 pages
ISBN : 2207256294
FORMAT : 22 x 32 cm

Les Damnés de Nanterre - Denoël Graphic, février 2005 (88 pages, 22 x 32 cm, 20 euros)

TGV – Conversations ferroviaires - Les Impressions nouvelles, coll. Traverses, janvier 2005 (160 pages, 16 x 24 cm, 18 euros)

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« Je songe alors à tout ce qui se cache derrière le moindre regard. Tout ce qui se joue de… primitif. Il y a toujours quelque chose d’un peu reptilien là-derrière » (p. 123). A l’affût de l’autre, Chantal Montellier a laissé son regard puiser autour d’elle la matière dont sont faits les échanges entre humains, à la faveur de ses voyages en train, nombreux il fut un temps : l’auteur d’Andy Gang a animé pendant quelques années des ateliers d’écriture à Rennes, Epinal, Nancy ou Laval. Ces Conversations ferroviaires sont ainsi nées dans un compartiment de TGV, un wagon-restaurant d’un train transfrontalier, un buffet de la gare « d’une absolue banalité », aux banquettes fatiguées. Nées de l’observation attentive de Chantal Montellier, mais aussi – surtout ? – de son imagination, de sa sensibilité.

Vingt-six conversations, vingt-six épisodes humains, saynètes du rail et de la vie qui déraille. Chantal Montellier saisit l’absurde, l’abject, le touchant de situations tout aussi banales que les décors sur fond desquels elles se jouent, et parfois son esprit s’emballe : une jeune étudiante finit par pousser hors du train son petit ami si crispant ; une Marilyn de province règle son « concept des dipes » (comprenez : complexe d’Œdipe) en faisant la peau à son vieux beau, après lui avoir promis une belle surprise qu’il espérait d’ordre érotique… L’esprit de Montellier s’emballe, mais non : tout reste en ordre. « Tout est en ordre. Mais où se pleurent les pleurs ? Où se crient les cris ? » Ces questions, empruntées à Viviane Forrester (La Violence du calme, Points Seuil), sont lancinantes : elles sont le leitmotiv de ce recueil de textes illustrés par l’auteur (plus connu pour ses bandes dessinées : trois de ses albums ont été réédités dans un recueil en 2003 par Vertige Graphic, sous le titre de Social Fiction - excellent !). La critique sociale est là, comme toujours chez Montellier. Comme dans Les Damnés de Nanterre, qui sort également ce mois-ci chez Denoël Graphic.

« Vous vous souvenez de Pierre Overney, de Florence Rey et d’Audry Maupin ? » demande un homme dans Conversations ferroviaires ; un homme brisé, un révolutionnaire oubliant dans l’alcool qu’il n’y a plus d’illusions qui tiennent. Pierre Overney ? Un ouvrier de chez Renault tué par un vigile, en 1972, pour avoir distribué des tracts communistes devant l'entreprise. Pour Chantal Montellier, Florence Rey et Audry Maupin, acteurs en 1994 d’une tragique fusillade place de la Nation, qui coûta la vie à deux policiers, un chauffeur de taxi et à Maupin, se placent « dans la filiation de mouvements violents nés vingt ans plus tôt ». Avec Les Damnés de Nanterre, Chantal Montellier rouvre le dossier de leur cavale sanglante.

Guidée par le « visage d’ange paumé » de Florence Rey, qui semble quelque peu la fasciner, Montellier interroge : et si Rey et Maupin n’étaient pas deux nihilistes inspirés par le film Tueurs nés, d’Oliver Stone, dont on a dit que l’affiche ornait un mur de leur squat ? Il semblerait que cette affiche n’ait jamais existé : leurs références affichées étaient Fritz Lang, Tarkovski et Pasolini. A travers le personnage d’une journaliste frondeuse et sexy, Chris Winckler, Montellier mène l’enquête et sort de l’ombre des pistes (avérées) sciemment négligées lors de l’instruction. Et si cette affaire avait été téléguidée par les RG pour justifier auprès de l’opinion la politique sécuritaire de Pasqua, à l’époque ?

Très richement documenté, Les Damnés de Nanterre est une charge violente, explosive. Pour Florence Rey et Audry Maupin, la messe est dite ; le second a succombé à ses blessures, la première a pris trente ans. Manipulés de droite et de gauche, leur histoire tragique n’est finalement qu’une sombre « mascarade ». Mais au-delà de la contre-enquête passionnante, l’album signe un retour gagnant pour Chantal Montellier, fidèle ici à ses thèmes de prédilection – féminisme (osons le mot même s’il est « risqué », pour être tellement galvaudé) et critique sociale. Son graphisme, tout en nuances de rouge et de noir, est à la hauteur de l’intensité de son récit et de son engagement. Pour beaucoup, cet album sera l’occasion de découvrir un auteur trop longtemps resté en marge des productions éditoriales de premier plan : le retour gagnant se convertira-t-il en retour en force ? C’est tout ce que l’on peut souhaiter, pour l'auteur, et pour l'amateur de bandes dessinées radicalement à part.


Anne Bleuzen
( Mis en ligne le 14/02/2005 )
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