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Bande dessinée -> Réaliste |
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Tant qu’il y aura du Césium | | | Chantal Montellier Tchernobyl mon amour Actes Sud - BD 2006 / 22 € - 144.1 ffr. / 128 pages ISBN : 2-7427-6043-1 FORMAT : 19,5 x 28 cm Imprimer
Chris Winckler nest pas journaliste à France Soir, mais à La Vérité. Il nempêche, cest à cette habituée des sujets de société que son patron confie la responsabilité dune série de papiers sur le triste anniversaire de la catastrophe de Tchernobyl. Voici donc lhéroïne de Chantal Montellier (Les Damnés de Nanterre, Denoël Graphic, 2005) plongée dans des dossiers qui la dépassent, pour essayer de comprendre ce qui sest vraiment passé à Pripiat, le 26 avril 1986. « Je me demande si je suis bien au niveau », se demande-t-elle humblement, et cest peut-être Montellier elle-même qui prévient le lecteur quelle va lui livrer sa vision, forcément engagée, puisque artistique surtout de la part de cette artiste , de la tragédie ukrainienne.
A travers lenquête de Chris Winckler, lauteur nous rappelle dabord les faits et lampleur de la catastrophe en Ukraine, mais aussi dans la Biélorussie voisine et, plus à louest, dans les pays « visités » par le nuage radioactif : Pologne, Allemagne, Autriche, Roumanie, Suisse, Italie, Belgique, PaysBas, Grande-Bretagne, Grèce
et France, où les autorités concernées ne jugèrent pas utile la mise en place de mesures sanitaires spécifiques. Ce sont ainsi une vingtaine de planches « coups de poing » qui nous plongent au cur du sujet : un scénario catastrophe du début jusquà la fin mais est-ce vraiment terminé ? Non, à en croire lauteur, qui reprend les propos de Kofi Annan, secrétaire général des Nations unies, qui estime à 9 ou 10 millions le nombre total des victimes et affirme que « la tragédie de Tchernobyl ne fait que commencer ».
Mais Tchernobyl mon amour nest pas une bande dessinée « journalistique » ou « documentaire » au sens classique du terme. Les visions hallucinées de Chris Winckler imprègnent tout lalbum, ses digressions mystico-philosophiques sont le contrepoint des faits quelle expose, et son enquête prend bientôt des accents de polar, lorsquelle rencontre Andreï Tchérenko, un ingénieur qui travaillait dans la centrale le jour de laccident, et qui lui livre sa version des faits. Tchérenko dérange beaucoup de monde et ne donne pas cher de sa propre peau
ni de celle de Chris, désormais dans la confidence. Celle-ci se rend compte que, vingt ans après, le sujet Tchernobyl est encore hautement radioactif !
A sa manière engagée, à lhumour amer, extravagante , Chantal Montellier dénonce donc ici les silences et les mystères qui continuent dentourer la catastrophe de Tchernobyl. Sans imposer un discours du type « on nous cache tout, on nous dit rien » (Chris Winckler na rien dune pasionaria), elle laisse le lecteur devant un bon nombre de points dinterrogation, et lui livre dailleurs les pistes quil pourra explorer lui-même plus avant : les dénonciations du scientifique Youri Bandajevski, qui lui ont valu le goulag en 1999 ; le livre de Svetlana Alexiévitch, La Supplication (Lattès, 1998), qui donne la parole à ceux qui étaient en première ligne au moment de la tragédie ; et les documentaires de WladimirTchertkoff : le film Le Sacrifice (2003), sur les « liquidateurs », ces centaines de milliers dhommes qui ont éteint les incendies à Tchernobyl, et le livre Le Crime de Tchernobyl, le goulag nucléaire, qui paraît ce mois-ci chez Actes Sud.
Album stimulant, Tchernobyl mon amour est aussi loccasion, un an après Les Damnés de Nanterre, de découvrir ou redécouvrir la force graphique de Chantal Montellier, son trait intense, ses compositions explosives
toute une âme qui vibre dans ces pages.
Anne Bleuzen ( Mis en ligne le 19/04/2006 ) Imprimer
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