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Bande dessinée -> Réaliste |
| Emmanuel Moynot Pourquoi les baleines bleues viennent-elles s'échouer sur nos rivages ? Dupuis - Aire Libre 2006 / 13.50 € - 88.43 ffr. / 80 pages ISBN : 2-8001-3823-8 FORMAT : 23,5 x 30,5 cm Imprimer
Simon Breuil est un jeune romancier doué, ambitieux, égoïste et manipulateur. Le modèle de lécrivain parisien pédant et énervant, linvité dArdisson qui agace, le vrai-faux rebelle qui passe autant de temps à poser quà écrire. Après limmense succès de son dernier roman, Simon doit se remettre au travail sil veut garder son statut privilégié d « écrivain professionnel » et ne pas être obligé, comme il le dit lui-même d « entrer à léducation nationale (
) et écrire pendant les vacances scolaires ». Cest à ce moment quil croise à nouveau le chemin de lun de ses maîtres, le célèbre et célébré romancier américain James Whales, sorte de James Ellroy mâtiné de Charles Bukowski, un fort en gueule, un lyrique et colérique, grossier et prétentieux. Pour Simon, cest dabord le père spirituel, un modèle à suivre, mais aussi un miroir sur ce que pourrait être son propre avenir.
Lorsque Whales arrive à Paris, accompagné de sa maîtresse du moment, lactrice godiche Rhonda, il ne cesse de palabrer sur son fameux « Roman Total », celui qui écrasera tous les autres et qui « enfoncera ce petit con dHemingway» tout comme « ce petit pédé de Marcel Proust ». Lambition est là, lobjectif est marqué, ne reste plus quà lécrire cette uvre ultime
et cest là que les choses se compliquent. Car lorsque le génie voisine limposture, la page blanche ne confine plus seulement à langoisse mais bel et bien à une incassable routine.
Voilà un récit noir et dun réalisme perçant, qui prend heureusement son temps (vive la fin du 48 pages uniforme !) et permet ainsi à ses personnages dexister pleinement dans chaque planche. Le monde des lettres dépeint par Moynot révèle un champ daction riche et captivant dans lequel sébattent quelques anti-héros aussi irritants quattachants. Plongés dans un Paris gris et triste, ces personnages se croisent et sopposent continuellement, lego de chacun se catalysant dans un climat de violence sourde et toujours prête à exploser. Réflexion fine et serrée autour de la création servie par des dialogues précis et racontée à laide de flashbacks finement imbriqués, la confrontation entre les deux écrivains ne se dépare jamais dune certaine tension. La rencontre oscille entre admiration et incompréhension, colère et rancune. Puis, peu à peu, les rapports se gangrènent, les acteurs cessent de poser et se découvrent tels quils sont vraiment, avec leurs failles et leurs défaites. Une fois les masques mis à terre, il sagira alors dêtre capable daccepter non seulement ce quest vraiment lautre mais aussi et surtout son propre visage. Si Moynot parvient à se sortir du guêpier de la fable psychologique un peu lourde qui lattendait au tournant cest aussi en grande partie grâce à son dessin net et sans fioritures. Il y a dans le geste du dessinateur la même énergie quun Baru, un trait qui va droit au but et capte une expression avec subtilité et précision. La rentrée littéraire a sa bande dessinée !
Alexis Laballery ( Mis en ligne le 03/09/2006 ) Imprimer | | |
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