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Bande dessinée  ->  Réaliste  
 

Hasta Siempre Gabriel !
Emmanuel Lepage   Muchacho (tome 2)
Dupuis - Aire Libre 2006 /  14 € - 91.7 ffr. / 96 pages
ISBN : 2-8001-3866-1
FORMAT : 23,5x30,5 cm
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Suite et fin du parcours initiatique de Gabriel, jeune séminariste sur le point de prononcer ses vœux et parachuté un peu malgré lui dans la fièvre révolutionnaire qui embrase le Nicaragua en cette fin d’année 1976. Talentueux dessinateur, il est chargé de réaliser une nouvelle fresque pour la petite église du village de San Juan. Mais la rébellion sandiniste est en marche et de tragiques événements conduisent Gabriel à jouer un rôle déterminant dans la lutte qui oppose les guérilleros révolutionnaires et l’armée du dictateur Somoza.

À la fin du premier tome, on avait laissé Gabriel en fuite après avoir été passé à tabac par le Commandant Vargas et forcé à dénoncer les principaux acteurs des récents attentats. Le jeune homme se retrouve maintenant seul dans la jungle, blessé à la jambe et pourchassé par les soldats. Son chemin (presque de croix) va alors rencontrer celui d’une troupe de rebelles menés par Germán, et en route pour rejoindre la frontière. Ils détiennent en otage un soldat américain, précieuse monnaie d’échange pour récupérer l’un des leurs.
S’ensuit une course-poursuite parsemée d’embûches dans la dangereuse jungle luxuriante. Pour Gabriel, l’apprentissage change de camp ; il n’est plus religieux ni artistique, mais guerrier et combatif. Mais au sein de la petite troupe sandiniste, c’est aussi une autre découverte qui attend Gabriel en la personne de Fausto et son regard bleu azur. Mais les sentiments amoureux et la révolution peuvent-ils vraiment cohabiter ?...

Contrairement au premier épisode, ce second volet de Muchacho multiplie les moments de bravoure et les scènes d’action. La majeure partie de l’album relate la fuite des guérilleros dans la jungle et le récit devient dès lors très mouvementé, s’apparentant à quelques classiques histoires d’aventures. On suit avec intensité le périple de Gabriel, personnage peu disert et renfermé, mais dont les actions et quelques regards subtilement captés en disent long sur son caractère. Jeune héros partagé entre deux mondes, constamment ramené à ses origines (il est fils d’une famille proche du gouvernement), objet de manipulation pour les uns et les autres, et de plus aujourd’hui confronté à son homosexualité qu’il ne se cache plus : le personnage est riche et justifie ces deux albums. Les couvertures respectives suffisent d’ailleurs à se donner une idée du cheminement que Gabriel va suivre : autrefois timide et naïf, il va s’endurcir peu à peu et troquer la soutane contre les cicatrices.

Les planches d’Emmanuel Lepage, toujours très soignées et inspirées, laissent souvent un peu trop de place au joli et au lyrisme pour que les drames qui se jouent ici prennent totalement toute leur ampleur. Si les décors sont certes magnifiques - forêt d’émeraude et couleurs flamboyantes - ils font hélas parfois rôle de distraction. L’auteur frôle de plus dangereusement la caricature, voire le ridicule (les lucioles qui volettent autour du couple en train de faire l’amour…). Parti pris d’une esthétique riche et techniquement parfaite qui affaiblit néanmoins la violence des propos. Mais Lepage parvient à maintenir son histoire, suivant méticuleusement le parcours de son héros, racontant et mettant en scène avec panache, et faisant ainsi de son récit une sorte de grand spectacle impressionnant et mouvementé, visuellement splendide, et dont on suit le déroulement avec intérêt. L’œuvre est de qualité, trop belle peut-être pour ne pas échapper à un certain académisme, mais suffisamment habitée pour ne pas manquer de marquer son lecteur.


Alexis Laballery
( Mis en ligne le 28/11/2006 )
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