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Bande dessinée -> Réaliste |
| Tony Sandoval Le Cadavre et le Sofa Paquet - Discover 2007 / 16.50 € - 108.08 ffr. / 96 pages ISBN : 2-88890-180-3 FORMAT : 18,5x24,5 cm Imprimer
Cest la fin de lété, pratiquement les derniers jours des grandes vacances. Polo traîne son adolescence maladroite et gauche dans la campagne environnante, seul et sans ami. Les gens ont peur, les enfants ne sortent plus depuis que le petit Christian, un enfant du village, a mystérieusement disparu. Cest lors dune de ses longues promenades hasardeuses que Polo va faire la rencontre de Sophie, jolie demoiselle intrigante et sexy, fan de loups-garous et dhistoires macabres. Les deux jeunes tourtereaux commencent à se fréquenter, mais lheure nest plus au roucoulement lorsque Polo découvre pas très loin de là le cadavre de Christian, chérubin devenu chair humaine pour insectes. Spectacle morbide, trop réel pour être vrai et dont le lent processus de décomposition est presque aussi passionnant à suivre que les 180 chaînes câblées que possède Sophie dans sa maison vide.
Lété va dès lors se poursuivre, de plus en plus orageux, de plus en plus inquiétant. Une fin de saison riche en émotions et en bouleversements pour des personnages qui se rapprochent à grands pas de lâge adulte.
Le Cadavre et le Sofa inaugure avec une jolie réussite la collection « Discover » des éditions Paquet, qui promet de mettre en avant de jeunes auteurs venus de tous horizons. Tony Sandoval est mexicain, il a déjà dessiné chez le même éditeur lalbum Vieille Amérique scénarisé par Wander Antunes et signe donc ici son premier ouvrage en tant quauteur unique. Avec cette histoire pleine de métaphores et dimages fortes, Sandoval propose une uvre dune belle facture, au charme indéniable et à lambiance très marquante. Du bout de son crayon et derrière le filtre du conte noir, il observe la cruauté du monde enfantin, la fin dune époque et la perte de linnocence.
Graphiquement, les pages de Sandoval stimulent et charment, prodigant un charme discret mais obsédant. Le trait de crayon reste visible, poudre noire au goût cendré, et les repentirs non effacés rappellent le côté vif et nerveux de laventure. Comme ces adolescents bousculés vers lavant, il ny a plus le temps pour revenir en arrière et réparer les erreurs ; ce qui est gravé, tracé, le reste, marquant implacablement la suite du dessin et du récit. Les couleurs employées, teintes et lumières soigneusement étudiées, font aussi beaucoup pour lambiance du récit : mauve profond, vert humide et beige tendre, le climat chromatique est changeant, menaçant, les matins pastel succédant aux nuits orageuses et sans étoiles. Et puis enfin, on retrouve dans certaines stylisations anatomiques et autres traits tirés du visage les traces dune certaine tradition hispanique portée par Miguelanxo Prado, Carlos Nine et plus récemment Enrique Fernández : les bras sont malingres, les bouches éructent, les lèvres devenues babines se retroussent les yeux noirs rapetissent, les mâchoires se tordent
Limportance donnée à la chair est primordiale ici : alors que le corps de Christian continue lentement de se décomposer, celui de Polo séveille, se transforme, sadonne au plaisir.
On regrettera toutefois quelques étrangetés peut-être volontaires mais mal maîtrisées et qui empêchent malheureusement lémotion et limplication de fonctionner à plein régime. Ainsi, lâge des protagonistes, jamais énoncé, semble changer dune page à lautre. Ici, ils sont encore gamins, le nez rouge et le geste maladroit, là ils sont adolescents désinvoltes à la sexualité confirmée. Un entre deux âges qui laisse le lecteur entre deux eaux. Le climat onirique et le recours au registre du conte font malgré tout passer ces errances narratives, et lon retiendra un très beau livre, sensible et esthétiquement très réussi, rempli de belles scènes et dimages captivantes.
Alexis Laballery ( Mis en ligne le 27/02/2007 ) Imprimer | | |
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