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Pulp science-fiction
Fletcher Hanks   « Je détruirai toutes les planètes civilisées ! »
Actes Sud - l'An 2 2007 /  28 € - 183.4 ffr. / 128 pages
ISBN : 978-2-7427-7105-9
FORMAT : 21x28 cm

Coordination éditoriale: Paul Karasic
Traduit de l'anglais par Harry Morgan

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Au premier abord, cela ressemble à un canular : voici recueillies dans un album une sélection des meilleures planches d’un obscur auteur de comics, dessinées au début des années 40, parues dans des publications anecdotiques et oubliées depuis longtemps. Ces pages colorées et explosives débordent de super-héros musclés, de machinations diaboliques et de sortilèges incroyables : une sorte de condensé d’action et de clichés du genre réalisé par un certain Fletcher Hanks, inconnu au bataillon des grands auteurs. On pense au Alan Moore de Supreme et ses pages entre hommage et parodies, ou encore à un anonyme et doué plaisantin qui aurait crée de toutes pièces une nouvelle série, et présenterait aux éditeurs ce génial auteur disparu des mémoires, comme une pièce du puzzle enfin retrouvée.

Fletcher Hanks a pourtant bel et bien existé. Il a dessiné pour les éditeurs Fiction House et Fox Feature Syndicate les aventures du super-héros Stardust, de Fantomah la protectrice de la jungle, mais aussi de Tabu, Space Smith ou de l’agent secret des étoiles Buzz Crandall. Une carrière éclair puisque cette activité d’auteur de comics n’a duré qu’à peine trois années, de 1939 à 1941. Avant et après, l’activité de Fletcher Hanks reste mystérieuse, comme si l’homme n’avait émergé que pour dessiner ces quelques planches frappantes avant de retourner dans l’anonymat complet. Un court récit de Paul Karasic termine le présent recueil et apporte quelques éléments d’informations sur la vie de Hanks.

On doit la réapparition de cet auteur à deux spécialistes du genre, Art Spiegelman et Françoise Mouly qui en 1983 choisissent de publier dans leur magazine Raw, un épisode de Stardust. Collaborateur de la revue, Paul Karasik tombe sous le charme de ces pages à la fois désuètes et remplies d’une incroyable force. Mais ce n’est que vingt ans plus tard que Karasik décide de collecter différents travaux de Hanks pour en faire le recueil aujourd’hui traduit par Actes Sud-L’An 2. Quinze histoires sont ainsi réunies, convoquant les personnages de Stardust, (the Super Wizard), Fantomah (considérée comme la première super-héroïne de l’histoire du comics), Buzz Crandall l’agent-secret des étoiles, et Big Red McLane, le costaud bûcheron. Des héros qui n’auront pas connu d’autres incarnations après Hanks, étoiles filantes insolites et improbables dans la galaxie du comics. Au-delà de la qualité des planches, c’est aussi ce caractère particulièrement éphémère qui façonne aujourd’hui la relative renommée de Fletcher Hanks.

Quinze récits totalement extravagants, remplis de scènes folles et de visions marquantes, entièrement issues de la seule imagination de Fletcher Hanks, auteur complet de ces pages (fait rare dans l’industrie du comics aussi bien à l’époque qu’aujourd’hui). Et tout va très vite dans ces histoires insensées : au sein d’une même planche, un ennemi est tour à tour poursuivi par une main griffue géante, jeté dans un précipice, catapulté par un tourbillon et finalement mis aux prises avec un groupe de cobras blancs. Les scénarios de Hanks suivent toujours le même canevas classique, basique mais efficace. Des scènes se ressemblent d’un épisode à l’autre, des images se font écho, comme si l’auteur réécrivait sans cesse la même histoire, procédant par variations et petits écarts. Sur son étoile privée, Stardust, le héros galactique, observe l’univers. Et plus particulièrement la Terre. Et plus particulièrement New York. Il surprend quelques mauvais coups fomentés par une pègre surarmée ou de dangereux savants totalement fous. Les complots ourdis sont au-delà du raisonnable, les héros de Hanks devant tour à tour faire face à des tsunamis, des milliers de panthères lâchées dans les rues, des explosions en chaîne dans le métro, des collisions de planète ou encore des enlèvements en masse des principaux notables du pays. Dans cet univers de serial et de fantaisie invraisemblable, les technologies pointues fleurent bon la science-fiction inventive et lyrique: rayon de la mort, tubulaire spatial transparent, prison flottante de la glace éternelle, et autre téléphone à radiations détecteur de crimes sont ainsi mis à contribution. Après quelques brèves mais intenses péripéties et grâce à leurs pouvoirs infinis Stardust, Fantomah ou encore Buzz Crandall parviennent toujours à déjouer les plans des bandits mais la justice qu’ils rendent alors est toujours particulièrement pimentée : exil sur une planète lointaine, transformation en créature mi-homme mi-rat, ou purement et simplement la désintégration totale.

À une époque où les codes du comics n’étaient encore qu’en germe (Superman vient de souffler sa première bougie), les histoires de Hanks sont un mélange de drôles d’influences, entre littérature pulp et science-fiction naïve et enflammée, et tous ces récits comportent la même incroyable rudesse et une violence démesurée: les morts se comptent par milliers, et crimes et châtiments sont frappés de la même exubérance sauvage. C’est sans doute ce qui marque le plus dans ces pages où les valeurs héroïques et autres esthétiques du beau sont toujours bafouées : la belle Fantomah, la reine de la jungle, se change en horrible créature à face de mort dès qu’elle part au combat. Et Stardust inflige à ses ennemis – déjà particulièrement laids - des déformations corporelles hideuses. Le trait de Fletcher Hanks est à l’aune de ces excès : brut et sans détour, d’une ingénuité parfois déconcertante, et qui conduit soudainement à des images d’une beauté étrange et marquante. Certaines vignettes combinent ainsi ces visions cauchemardesques à une poésie noire et brutale : une tête qui vole sur un fond rouge, des squelettes en lévitation, une créature mi-homme mi-animale qui flotte dans la mer… Si Fletcher Hanks fait dans la dentelle grossière et fruste, ne s’encombrant pas des nuances, ses planches ont cette puissance évocatrice qui fait passer tous les plus grands excès. Ce livre étonnant est une invitation vers un univers à la fois grotesque et bizarre, un comic débridé et trivial qui garde encore aujourd’hui toute sa verve et son efficacité.


Alexis Laballery
( Mis en ligne le 13/11/2007 )
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