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Bande dessinée  ->  Fantastique  
 

Noir profond
 Keko   La Protectrice
Actes Sud - l'An 2 2012 /  20 € - 131 ffr. / 64 pages
ISBN : 978-2-330-00986-1
FORMAT : 23,5x30 cm
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Keko n’a peur de rien, ni du noir, ni des fantômes, ni de s’attaquer à un chef-d’œuvre de la littérature fantastique et de lui en donner une suite. Avec La Protectrice, l’auteur espagnol, remarqué en France avec le dynamique et futé Plein les yeux, imagine ce qui aurait pu se passer juste après Le Tour d’écrou, de Henry James. On se souvient de l’histoire. Deux orphelins, Miles et Flora, étaient laissés à la charge de leur oncle qui, n’ayant ni le temps ni l’envie de s’en occuper préférait confier l’éducation de ces enfants à une jeune gouvernante, dans une belle demeure à la campagne. Très vite, le petit groupe est confronté à des apparitions inquiétantes. Il semblerait que les deux enfants soient suivis et épiés par l’ancien valet de l’oncle, Quint, et la précédente gouvernante, Miss Jessel : deux affreux individus aux mœurs dépravées et à l’influence néfaste pour les deux innocents.
Le chapitre final du roman est une tragédie. La petite Flora rejoint la ville et son oncle tandis que Miles meurt dans les bras de sa gouvernante, suite à une dernière et fatale apparition.

A la lecture du roman de Henry James, comme à la vision de son adaptation cinématographique par Jack Clayton (Les Innocents, 1961), le doute était permis et habilement entretenu : la jeune gouvernante était-elle vraiment face à des revenants qui en voulaient à ses petits protégés ou tout cela n’était-il que délire de sa part, entre hystérie et folie douce ?

Avec cette suite imaginée par Keko, il semblerait que l’on soit encore à un autre niveau. Dans un premier temps de lecture, on peut effectivement simplement trouver des réponses à des questions que posaient le roman : qu’est devenu la jeune gouvernante ? pourquoi l’oncle n’a pas le temps de s’occuper de ses neveux ? qui a tué Quint ? etc. Mais au-delà de ces données scénaristiques brutes, Keko continue de plonger ces personnages dans l’horreur et le drame en multipliant les faux-semblants. Au final, peu importe si les fantômes existent bel et bien puisque ici tout semble déjà pourri, et que tout le monde apparaît comme plus ou moins possédé, complètement fou : Flora la rescapée, n’est plus une enfant mais une adolescente à la sexualité qui s’affirme, et les adultes qui l’entourent ont tous en eux une part malsaine et menaçante. Même la gentille Mrs Grose n’apparaît plus comme la débonnaire nounou mais bel et bien, au détour d’une page, comme une criminelle. Et loin de Bly, de son lac, de son calme, la ville semble en proie à de sombres complots, d’obscures réunions où l’on discute de fin du monde, de sadisme et d’expériences cruelles. Dans un tortueux mélange de textes et d’images, Keko brouille les pistes, et intensifie les hallucinations. Entre le réel et les mirages, il n’y a plus qu’une mince barrière, et d’une case à l’autre, le lecteur ne saura plus dans quelle dimension il aura pénétré. Ici Flora est encore une petite fille, un saut de case et la voilà femme tentatrice. Et au lecteur de supputer s’il est en face d’une vision subjective ou d’un événement « réellement » en train de se produire. Tout n’est-il finalement pas simplement faux, du noir sur du papier et des mots que l’on détruit, comme l’un de ces personnages qui s’attaque littéralement aux phylactères au-dessus de son crâne.

Le dessin de Keko, entièrement rongé de noir, ne laisse que peu d’espoir : pas de blanc, pas de souffle, tout est plongé dans l’obscurité, les ténèbres. Le résultat est magnifique de noirceur et confère une ambiance réellement morbide à l’ensemble. Le rapprochement avec les œuvres de Sade, et plus particulièrement avec Les Infortunes de la Vertu termine de donner à ce récit un air tragique et sombre, malsain au possible ou, quoiqu’il arrive les innocents seront châtiés.

C’est un livre étonnant, éprouvant même, qui mettra mal à l’aise son lecteur. Le défi était de taille, mais face au roman de Henry James, la bande dessinée de Keko ne démérite pas. Par sa cohérence et sa profondeur, l’album parvient même à faire du roman original une sorte d’introduction « en douceur» aux drames qui vont suivre, quelque part dans les ténèbres de la grande ville.


Alexis Laballery
( Mis en ligne le 25/09/2012 )
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