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Bande dessinée -> Fantastique |
| Thomas Mosdi Laurent Paturaud Les Passants du Clair de Lune (tome 2) - Le chant du bouc Glénat - La Loge noire 2004 / 12 € - 78.6 ffr. / 48 pages ISBN : 2723443701 FORMAT : 24 x 32 cm Imprimer
Que sont devenus les anciens dieux, les dieux de lAntiquité grecque, égyptienne ? Comment se sont recyclés tous ces panthéons païens balayés par le monothéisme ? Cest en partie à cette question que Thomas Mosdi, au scénario, et Laurent Paturaud, au dessin, tentent de répondre dans une série prometteuse, Les Passants du clair de lune. Le thème est déjà original, car rarement abordé : si lon excepte quelques romans fantastiques (dont le Malpertuis, de Jean Ray) et quelques BD (signalons le magnifique D-Day, récemment publié par les Humanoïdes associés, ou encore Lhéritage dEmilie, la magnifique série dAnne Magnin), les anciens dieux sont tout autant disparus que les civilisations qui les vénéraient. Mais Mosdi, scénariste virtuose de LIle des morts, a relevé le défi avec talent. Le résultat est tout à fait appétissant, dans la ligne de la collection Loge noire avec laquelle Glénat entend révolutionner lhistoire secrète (pensez au succès du Triangle secret) après avoir imposé, il y a quelques années, un style de BD historique novateur.
Le premier tome de cette série faisait découvrir une réunion dun genre très particulier, la Fraternal compagnia : dans la Venise du XVIe siècle, cette société étrange exécutait le Conseil des 10 (le gouvernement vénitien) pour assouvir une vengeance. Entraîné dans cette mascarade, mort et ressuscité, un jeune Vénitien, Angelo Beolco, dit Ruzante, se retrouvait dans une troupe de comédiens itinérants intrigants, menés par Alvise Cornaro, le riche marchand vénitien impliqué dans laffaire. On retrouve ces hommes mystérieux dans le Paris du XVIe, avec des noms francisés et des desseins toujours aussi sombres, qui se précisent peu à peu. Toutefois, leurs activités ont attiré sur leurs traces quelques puissances, dont lEglise, qui délègue le frère prieur Calvacante, et les autorités royales en la personne dun commissaire enquêteur, Jonzac. Or ces traces ruissellent de sang encore frais et de cadavres bizarres, tout juste assassinés et dans un état de pourriture pourtant très avancé
il y a là manifestement quelque diablerie, et la marque dun mystère. A moins quune force plus ancienne que lEglise, Pan, le dieu-masque, ninspire tout cela
La vérité révélée dans cet album au dernier dentre eux, le jeune Ruzante, est forcément inattendue, et prometteuse pour la suite. Dautant quun face-à-face se prépare entre Ruzante et son amie Maria Serao, instrument de la colère divine. Une fois de plus, les dieux saffrontent à travers les hommes, et se jouent de leur âme.
Voilà un album de qualité : le scénario de Thomas Mosdi, dans lequel on avance lentement, en comprenant au fur et à mesure ce qui unit les membres de la compagnie fraternelle, est fort bien servi par le graphisme de Laurent Paturaud. Notamment, ce dernier a donné à ses «méchants» des traits sympathiques, la «beauté du diable», qui illustrent dautant la relativité de ce conflit entre deux morales religieuses antagonistes, issues dune Antiquité désormais lointaine. Certes, il manque à ce Paris des années 1500 une touche dauthenticité et de vie (la ville, les palais sont quasiment déserts à lexception des personnages qui semblent déambuler dans des décors de théâtre plutôt que dans la réalité), ce luxe de détails qui faisait le charme des albums de Cothias et Adamov. On aimerait marcher dans les rues, se mêler aux passants, suivre la vie ordinaire dhommes bien mystérieux : bref, il faut travailler lambiance, le contexte, qui sont autant de ressorts pour lhistoire. Mais le travail réalisé par ce jeune dessinateur, exclusivement centré sur les rapports entre les protagonistes, nen est pas moins fort agréable à lire, et justifie dattendre la suite avec impatience.
Gilles Ferragu ( Mis en ligne le 31/07/2004 ) Imprimer
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