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Bande dessinée -> Chroniques - Autobiographie |
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À la recherche du temps perdu | | | Seth George Sprott, 1894-1975 Delcourt 2009 / 35 € - 229.25 ffr. / 96 pages ISBN : 978-2-7560-1445-6 Imprimer
Dans son précédent livre, Wimbledon Green, Seth suivait les pas dun collectionneur de comics books acharné. À travers témoignages, saynètes ludiques et évocations diverses, le portrait dun homme était finement brossé, avec humour et beaucoup de fantaisie. Avec ce nouveau livre, Seth réitère ce système narratif, et nous invite cette fois à découvrir les grandes lignes de la vie dun animateur populaire de la télévision canadienne, George Sprott.
En observant les deux livres, le premier apparaît comme le brouillon du second. Là où Wimbledon Green se tenait dans un petit format, George Sprott explose les dimensions traditionnelles pour faire tenir dans un cadre géant ses larges planches. Là où le dessin de Seth, même si toujours élégant, était rapidement exécuté dans le premier livre, il est ici plus soigné, peaufiné, et les décors prennent toute leur place alors quils étaient autrefois absents. Enfin, lorsque limprovisation semblait tenir les rênes de la destinée graphique du sieur Green, le récit est maintenant beaucoup plus maîtrisé, plus élaboré. Enfin, cest aussi un changement de genre : si Wimbledon Green était une gentille farce, drôle et légère, George Sprott est plus grave et plus profond.
À linstar dOrson Welles à la recherche de son citoyen K., Seth multiplie donc déclarations et souvenirs pour tenter de sapprocher au mieux de la vérité dun homme. Mais lindividu se défile, se contredit et échappe continuellement à une définition précise. Les paroles se suivent et ne se ressemblent pas, faisant fuir toujours un peu plus le vrai George Sprott. En se dérobant continuellement, Sprott emporte avec lui ses secrets et sa vérité. Le livre nest dès lors quun prétexte, une manière originale de raconter et de mettre en scène. Seth, narrateur volontairement maladroit qui se confond en excuses, signe là son aveu dimpuissance à rendre compte de la complexité dun homme et, par la même occasion, empêche son lecteur desquisser le moindre jugement, le laissant dans lobservation simple, exempte de tout cynisme ou de moquerie. Mais même si Sprott échappe à lanalyse, son parcours nen reste pas moins pertinent et, insidieusement, lambiance posée, lémotion fait son chemin, jusquau final. Cest que, au-delà de Sprott, le thème principal de luvre reste le passage du temps et les dégâts irrépararables quil engendre.
La bande dessinée de Seth enferme ainsi des morceaux de temps, et la nostalgie ainsi quune douce mélodie dépoque perdue flottent dans ces cases. Seth dessine ce temps qui file et qui fait tout disparaître. Les souvenirs sont confus, les lieux changent, les êtres ne font quun passage et puis sen vont. Voici un auteur qui entre Proust et Taniguchi ( !) nhésite pas à dessiner le rien, le silence, une durée. En quelques cases, il nous fait sentir le bruit de la neige, le froid sur la peau, une rêverie passagère ou lattachement à un objet anodin. Les grandes planches, contemplatives, succèdent aux multiples vignettes qui tentent dancrer définitivement un moment, une sensation.
Le livre - lobjet - est superbe : très grand format, reliure soignée, différents papiers à lintérieur
Dès la première approche, on est déjà plongé dans le monde raffiné et élégant de Seth. Un univers infiniment précieux.
Avec La Vie est belle est malgré tout, voilà sans doute le plus beau livre de Seth, et lauteur confirme son statut de figure majeure de la bande dessinée nord-américaine actuelle.
Alexis Laballery ( Mis en ligne le 15/12/2009 ) Imprimer
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