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Bande dessinée -> Chroniques - Autobiographie |
| David B. Journal d’Italie (tome 1) - Trieste Bologne Delcourt - Shampooing 2010 / 14.95 € - 97.92 ffr. / 152 pages ISBN : 978-27560-0931-5 FORMAT : 16,5x23 cm Imprimer
Habituellement, on tient un journal pour parler de soi, ou pour parler du monde. Ce nest pas le cas de David B. Son Journal dItalie, couverture blanche et dates décriture, évoque demblée les carnets de ses camarades Joann Sfar et Lewis Trondheim. Publié dans la collection Shampooing, dont léditeur nest autre que lauteur des Petits Riens, louvrage pourrait vite être catalogué comme un journal intime de plus.
Mais sur cette même couverture, le visage de David B. a laissé la place à une sorte de zéro vert, qui fait écho à la numérotation du tome. Et on se demande si lauteur ne va pas à nouveau se cacher, trouver des alibis pour nous parler surtout des autres, tout en prétendant parler de lui.
En effet, on ne trouvera pas dans Journal dItalie un compte rendu de visites parmesanes, un aperçu des villes transalpines ou des différentes sortes de risotto. David B. nous dresse le portrait de son imaginaire au jour le jour, lorsque les rencontres croisent les souvenirs pour faire naître des histoires. Il nous raconte donc les secrets de la Maison des Chats, où les félins discutent, lisent ou se disputent, analyse la dimension religieuse du Parrain de Coppola et de Lucky Luciano de Francesco Rosi, retranscrit ses rêves dinondations et de rat bibliomanes.
Difficile dès lors de démêler le vrai du faux. Ce Daoud Ravid dont il nous retrace la geste vénitienne a-t-il vraiment existé ? Ou cette histoire fabuleuse de nouvelle tour de Babel nest elle quun rêve de plus ? Lorsque David B. rencontre un universitaire dans un café bondé, nous ne sommes pas vraiment surpris que celui-ci soit « professeur de rêves », enseignant que ceux-ci sont un mélange déléments intérieurs et déléments extérieurs. Cest tout le combat actuel de David B., dalimenter son imaginaire à la source des cultures et dinsuffler en retour sa créativité dans le grand bain chimérique. Un va-et-vient surprenant.
Luniversitaire et le dessinateur seffraient tous deux de lappauvrissement culturel, ce quon appelle ici la « littérature de Rat », sans ponctuation et sans personnalité. Pour la compenser, il faut laisser croître les inventions et les rêves sans se soucier de leur forme. Ne pas tenir compte dun dessin plus ou moins malhabile, sil permet de faire naître une idée nouvelle. David B. définit ainsi son avant-garde. Ce Journal en ressort comme un livre fascinant, rempli de trouvailles et de découvertes.
Le Voyage, ici en Italie, plus loin en littérature, est un moyen de changer de regard sur les choses, pour rapporter un nouveau Livre des Merveilles.
Il ne sagit donc pas pour le rêveur de soublier, simplement dépouser les contours oniriques du lieu et du moment pour finalement les enrichir. En refermant le livre, on se rend compte de notre erreur dans linterprétation de la couverture : ce nest pas un zéro qui a pris le visage de lauteur, mais un gâteau vert italien « qui ressemble à un petit extraterrestre ». Le dessinateur est bel et bien là, mais il sapparente à ce qui lui est étranger, pour mieux créer linédit.
Clément Lemoine ( Mis en ligne le 23/02/2010 ) Imprimer
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