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Bande dessinée -> Chroniques - Autobiographie |
| Daniel Clowes Wilson Cornélius - Solange 2010 / 22 € - 144.1 ffr. / 70 pages ISBN : 978-2-360-81002-4 FORMAT : 22,3x29,1 cm Imprimer
Voici Wilson. 43 années auxquelles sajoutent la bedaine, la calvitie, la vilaine barbe, la déprime et le cynisme. Wilson le célibataire divorcé, râleur et égoïste, drôle et antipathique. Lanti-héros par excellence, le mauvais bougre que air connu lon va adorer haïr.
Dans les premiers temps de lalbum, nous suivons les fades journées de Clowes en train de promener son chien dans les rues de la triste Oakland, dans un café lorsquil aborde un inconnu ou au bureau de poste en train dinsulter les pauvres clients. Puis, un coup de téléphone à la famille le premier depuis trop longtemps va changer la donne : voilà Wilson parti au chevet de son père mourant. Cest le début dune autre aventure, celle de la reconquête de la famille. Wilson en a assez dêtre seul, il va prendre son destin en main et tenter de recoller les morceaux. Mais pas facile de rattraper 16 années foutues en lair surtout lorsque son ex-femme et sa fille ny mettent pas du leur, laissant le pauvre homme se débattre comme un damné pour pas grand-chose
Lalbum se présente sous forme dune succession de planches-épisodes, faisant ainsi passer dans un premier temps louvrage comme un simple recueil de gags autour dun pauvre type. Mais très vite, ces planches forment un tout. Ce qui intéresse Clowes cest de raconter une histoire et cest sans doute là où le livre surprend réellement : dans cette construction saccadée, par petits bouts, qui arrive pourtant à porter un récit dense et riche en émotions. Ces « planches du dimanche » forment ainsi un récit cohérent, imposant et faisant vivre pleinement ses personnages. Les ellipses ne font pas peur à Clowes qui brosse à larges envolées le parcours de son anti-héros sans pour autant faire preuve dun survol surfait.
Quen est-il de ces changements de style graphiques qui, comme dans Ice Haven, construisent le livre ? Coquetterie stylistique ou véritable enjeu narratif ? Un peu des deux sans doute. Certes la variété des styles donne une impression, surtout dans les premières pages lorsque le récit nest pas encore véritablement lancé, dune compilation, dun best of. Mais très vite, lépopée triste de Wilson prend le dessus et unifie lensemble immédiatement. Les changements de style, le passage dun dessin très réaliste à un dessin gros nez ne change en effet pas Wilson pour autant : il est toujours identique dune planche à lautre, sexprimant avec les mêmes mots et toujours fidèle à sa mauvaise humeur et à sa touchante inaptitude à être heureux. La multiplicité des graphismes ninflue donc pas sur la narration elle-même et Clowes tient solidement les rênes de sa création malgré cette envie de toucher un peu à tout. À la différence de Ice Haven qui jouait plus sur le côté collage où lauteur se cachait derrière une apparence de collectif, Clowes est en effet ici bien présent derrière chacune de ces planches et ne témoigne daucune intention parodique à singer différents styles.
À la fois drôle et désespéré, Wilson est sans doute le livre le plus profondément intime de son auteur, et lon y trouve là les bribes dune tendance à lépure qui caractérise les plus grands. La suite promet dêtre passionnante.
Alexis Laballery ( Mis en ligne le 20/12/2010 ) Imprimer
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