| Hervé Bourhis Christian Cailleaux Prévert, inventeur (tome 1) Dupuis - Aire Libre 2014 / 16.50 € - 108.08 ffr. / 72 pages ISBN : 9782800162256 FORMAT : 23x30,2 cm Imprimer
On est à Constantinople juste après la guerre : le caporal Prévert pas
très motivé, comme soldat fais les 400 coups et se lie damitié avec
Marcel Duhamel, un autre caporal à peine plus intéressé par luniforme
le
climat local, le raki et les rencontres valent mieux quun colonel en
grande tenue. Mais de retour à Paris, il faut bien soccuper : Jacques
Prévert, son frère Pierre et Marcel forment le noyau dur dune bande de
jeunes gens un peu en marge, un peu artistes, un peu fantasques. Ils ont des
velléités de poésie, dart, déclament, peignent pas forcément bien mais
quimporte lisent, dansent, boivent, draguent, se droguent et vont au
cinéma. Une vie aimable de bohème, parfois heurtée par quelques questions
financières ou problèmes de travail, et entrecoupées de rencontres : Aragon,
Giacometti ou Desnos. Mais lastre de ce petit cénacle, celui qui a réussi,
cest André Breton pape des surréalistes et bientôt protecteur attendri de
Prévert, le fou du prince. Mais dans les Eglises, il y a toujours des
hérétiques et Prévert, impatienté par les discours par trop académiques et
orthodoxes de Breton, finit par rompre, pour retrouver cette chère liberté
qui, bientôt, en 1931, fait de lui un poète authentique.
Fin de lhistoire ? non. Fin de lalbum oui, mais voilà un premier tome
dune vie de Prévert tout fait pour séduire les amateurs du grand poète. Le
scénario concocté par Hervé Bourhis saffranchit nettement du classique : on
cueille le futur poète à Constantinople, on le suit dans ses errances, ses
aventures, ses folies, ses accès de logorrhée et ses cuites. On croise ses
amis, on sallonge avec ses ses amantes, on écoute tout ce petit monde
discourir
le tout selon une chronologie vague, rythmée par des didascalies
surréalistes. Le ton même de lalbum est drôle, un peu distancé, empreint de
cet humour tout flegmatique avec lequel Prévert considérait son univers. Un
scénario bien senti et une mise en image maîtrisée et réussie, due au
pinceau de Christian Cailleaux, également impressionnant dinventivité :
comment rendre au dessin les jeux linguistiques de Prévert, ses déclarations
absurdes ou surréalistes, comment restituer un regard sur le monde, et même
un monde (le Montparnasse des surréalistes) plutôt nocturne, comment figurer
la bohème, la dèche, les meurtrissures de lenfance, le regard des bourgeois
sur ces aimables jmenfichistes ? des jeux de couleurs, des contrastes, des
décors parfois à peine esquissés, des silhouettes : autant de moyen de
forcer le lecteur à simpliquer, à imaginer. En toile de fond, Cailleaux
glisse même quelques dessins inspirés du cinéma (Un chien andalou,
forcément), ultime trace de modernité et de réalisme. Une vision poétique et
juste assez surréaliste pour séduire le lecteur et lamener, doucement, à
découvrir, à travers une certaine vision du monde, limmense talent de
Prévert. Le thème nétait pas évident, mais Cailleaux et Bourhis livrent un
album très riche et vraiment réussi, pour tous ceux qui pensent que bande
dessinée et poésie peuvent faire de beaux enfants
Gilles Ferragu ( Mis en ligne le 13/10/2014 ) Imprimer
A lire également sur parutions.com:Piscine Molitor de Christian Cailleaux , Hervé Bourhis A RECYCLER de Yves Courrière Le Teckel de Hervé Bourhis | | |