| Jacques Tardi Moi, René Tardi, prisonnier de guerre au stalag IIB (tome 2) - Mon retour et la suite Casterman 2014 / 25 € - 163.75 ffr. / 150 pages ISBN : 978-2-203-06644-1 FORMAT : 24x32 cm Imprimer
Un jour, la guerre sest arrêtée. Certes, cela ne sest pas fait dun coup
et pour en arriver là, il a fallu que, progressivement, lAllemagne nazie
seffondre sous les coups de boutoir des alliés. Et dans les interstices de
cet effondrement, René Tardi, parmi dautres soldats français prisonniers,
survit. Les Allemands, qui reculent, emmènent avec eux, et dans un chaos
significatif, les prisonniers, à travers une Allemagne enneigée et affamée :
des prisonniers un peu évadés, un peu errants, un peu gardés, et dont les
soucis essentiels, bien plus que les Allemand, sont la faim et le froid.
Parti de Poméranie, René Tardi parvient, en marchant jusquà la Baltique,
puis sengage dans une Allemagne encore hitlérienne, mais qui vacille.
Bientôt, on se demande qui garde qui, tant les gardes allemands semblent
désarmés face à la masse des prisonniers
et ce qui doit arriver arrive : la
révolte, lexécution des gardes sur fond rouge un crime de guerre ou une
justice expéditive ? Puis viennent, enfin, les alliés, les libérateurs,
américains ou russes
et la couleur, celle des drapeaux, dun ciel plus
léger, des avions de chasse, des trains du retour et de la France libérée.
Peu à peu, René Tardi revient à la vie après un « marche ou crève »
éprouvant, un retour à la vie en forme de bilan de la guerre et de ses
drames, de ses destructions
où la Libération nest pas exemple de crimes et
de violences, observées avec fatalisme par le père, quand le fils sindigne
toujours.
Dans ce maelstrom blanc et gris, Jacques Tardi chemine aux côtés de son
père, en jeune garçon à culotte courte, lui demandant où il est, ce quil
fait, en lui donnant des conseils : il observe, discute, et transforme le
prisonnier solitaire et mutique en un conteur. En exploitant les carnets de
son père, René, le dessinateur Jacques Tardi a trouvé un moyen original de
lui redonner la parole, de lui faire raconter sa guerre, une guerre au ras
du sol, une guerre de pauvres bougres qui tentent péniblement de rentrer
chez eux et se bercent de lespoir dun lendemain, en fermant les yeux sur
lhorreur. Avec ce second tome, qui clôt les carnets, Tardi livre lun de
ses albums les plus personnels et les plus durs
car il ne sagit pas ici de
la guerre dun anonyme, mais de celle de son père, et, en fait, il ne sagit
même pas de la guerre, mais dune zone grise, dune transition entre la
guerre et la paix, un no mans land moral où chacun redevient un loup pour
lautre. Avec ce style inimitable, qui sinspire de paysages authentiques
pour se les réapproprier en les redessinant, Tardi donne, à cette odyssée
grise, la densité dun récit en forme de dialogue. Un cahier final, illustré
de photographies, revient sur lalbum et sa matière (le journal de René
Tardi est même reproduit, comme une base de travail), et confirme lampleur
du travail de reconstitution accompli par lauteur. Au final, un album aussi
réussi que le précédent, et une évocation à la fois riche et sensible de cet
épisode si méconnu du retour des prisonniers. Un ouvrage décidément
indispensable pour les amateurs de bande dessinée historique, les fans de
Tardi et tous ceux qui cherchent à saisir la réalité dune guerre.
Gilles Ferragu ( Mis en ligne le 20/12/2014 ) Imprimer
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