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Bande dessinée  ->  Chroniques - Autobiographie  
 

« Comme ça les gens sauront… »
Didier Lefèvre   Frédéric Lemercier   Emmanuel Guibert   Le Photographe (tome 3)
Dupuis - Aire Libre 2006 /  19 € - 124.45 ffr. / 104 pages
ISBN : 2-8001-3544-1
FORMAT : 23,5 x 30,5 cm

Avec un DVD de Juliette Fournot, 35 minutes environ.

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Un classique ne se reconnaît pas forcément au premier coup d’oeil. Il faut souvent du temps avant que toutes les qualités d’une œuvre ne se révèlent et résistent aux relectures et autres analyses. Avec Le Photographe, le doute n’existe pas, l’évidence est là dès le départ, totale et sans retenue. On se trouve en présence d’une bande dessinée importante, un nouveau repère, une référence idéale, un chef-d’œuvre qui ne vieillira pas et qui continuera de fasciner et d’émouvoir bon nombre de lecteurs, du plus pointu des bédéphiles au lecteur occasionnel de ce genre d’ouvrages.

Fin 1986, Didier Lefèvre quitte la France pour le Pakistan. Il est photographe et est missionné par Médecins Sans Frontières pour couvrir une expédition humanitaire dans un Afghanistan ravagé par la guerre contre les Russes. Lefèvre va accompagner la longue caravane composée de médecins, d’infirmières et de moudjahiddins jusqu’à l’extrême nord du pays, là où un hôpital de fortune doit être installé. Devant l’objectif de Lefèvre, c’est un pays en proie au chaos qui défile, la violence qui s’abat aveuglément sur tout le monde, mais c’est aussi le courage des hommes qui tentent malgré le danger de rebâtir l’espoir sur des ruines.

À la fin de la deuxième partie, Didier Lefèvre décidait de repartir seul vers le Pakistan, et ce malgré l’opposition de Juliette, la chef de mission. Après trois mois passés avec l’équipe de MSN et son contrat rempli, le photographe cherche à repousser les limites de son aventure humaine, et il lui tarde de revenir en France. Mais partir seul dans un pays en guerre et sans en connaître la langue, c’est s’exposer à des dangers toujours plus grands ; et à une certaine insouciance de la liberté retrouvée vont vite succéder l’angoisse et la peur face aux difficultés croissantes rencontrées sur le chemin.

Certes, Le Photographe n’est pas la première bande dessinée empruntant la voie d’une approche documentaire, mais la vérité qui se dégage de chaque planche semble ici particulièrement inédite et touche le lecteur d’une façon peu commune. Ce caractère si particulier, la série le doit bien sûr au témoignage si précieux et si fort de Didier Lefèvre, le « héros malgré lui » de cette mission afghane. Facilement, le lecteur accompagne Lefèvre dans son aventure, l’identification étant soutenue par la relative innocence du photographe qui découvre tout un monde jusqu’alors inconnu. Attentif aux détails, le récit de Lefèvre, rempli de moments intenses, est aussi émaillé d’anecdotes plus légères qui permettent de rester toujours proche de tous ces personnages parfois juste croisés. L’ensemble est profondément émouvant et juste, et pointe aussi bien les faiblesses humaines que ses plus grandes ressources.

Pour mettre en valeur toute l’intensité du récit de Lefèvre, Emmanuel Guibert élabore une mise en scène aussi élaborée que discrète qui lui permet de constamment mettre en avant le seul narrateur. C’était plus ou moins le même choix qui menait La Guerre d’Alan (L’Association, 2 tomes parus); Guibert y retranscrivait la parole d’Alan Cope sans jamais s’immiscer ou chercher à faire une bande dessinée pleinement narrative : il était le passeur discret, non pas celui qui traduit le récit en images mais quelqu’un qui illustre le plus simplement possible, sans réinterprétation quelconque, la parole entendue.

Avec Le Photographe, Guibert va encore plus loin que pour La Guerre d’Alan, puisqu’il a à sa disposition, en plus de la voix de son interlocuteur, son regard, à savoir tous les clichés pris par Lefèvre au cours de son aventure. Dès lors, l’intégration des photographies dans la bande dessinée relève d’une évidence, et le mariage entre les deux techniques picturales n’est jamais forcé ou maladroit. Il ne s’agit pas de romans-photos ici : les clichés font office de preuve et de souvenir, ils ne cherchent pas forcément à raconter, ils impressionnent. Le graphisme stylisé de Guibert, mélange de réalisme précis et d’austérité un peu sèche, ne joue pas la carte de la virtuosité qui aurait forcément déséquilibré l’ensemble. Quant aux couleurs de Frédéric Lemercier, palette de bruns et de beiges, elles apportent aux dessins cette même retenue, ce désir de ne jamais en faire trop mais, malgré tout, d’imprégner sa marque.

Ce troisième et ultime volet de la série est accompagné d’un DVD de 35 minutes. On y trouvera un film réalisé et monté par Juliette Fournot lors de cette même mission. «Comme ça, les gens sauront…», disait-elle dans le deuxième épisode. Les lecteurs y reconnaîtront des visages familiers, ceux des chirurgiens Robert et Régis, ou du Moudjahiddin Najmudin. Les plus attentifs apercevront aussi Lefèvre lui-même, un appareil autour du cou. Mais surtout, on retrouve quelques scènes frappantes comme ce bébé ensanglanté veillé par sa mère. On y entend les mêmes plaintifs et déchirants « Aoh » décrits par Lefèvre et Guibert dans le deuxième épisode, et tout se répond alors dans un troublant tourbillon : photographie, films, dessins, reportage et vérité. Cette vérité d’un monde où s’opposent violence absurde et générosité, désir de mémoire et refus de voir.

Avec application et finesse, les auteurs parviennent ici à montrer sans imposer, à émouvoir sans utiliser d’artifices. Une œuvre forte, intelligemment mise en images, et dont le caractère profondément humain et bouleversant ne cessera jamais de toucher.


Alexis Laballery
( Mis en ligne le 18/03/2006 )
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