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Bande dessinée -> Chroniques - Autobiographie |
| José-Louis Bocquet Catel Kiki de Montparnasse Casterman - Ecritures 2007 / 18.75 € - 122.81 ffr. / 384 pages ISBN : 9782203396210 FORMAT : 17x24 cm Imprimer
Muse de Man Ray, modèle pour de nombreux peintres et sculpteurs, chanteuse, danseuse, et actrice, Alice Prin dite « Kiki de Montparnasse » a été une figure marquante de la scène artistique parisienne, et surtout de ses coulisses. Ambitieuse et amoureuse, excentrique et sensible, volontaire et rebelle, Kiki est une femme forte dans ses passions et ses combats, et belle dans ses excès et ses échecs. Cette autre môme de Paris, à la gouaille facile et au tempérament de feu, a traversé la première moitié du vingtième siècle en côtoyant et tutoyant les plus grands artistes du moment, de Modigliani à André Breton en passant par Hemingway et Cocteau. Avec ses yeux noirs, son nez de Cléopâtre et ses cheveux de jais (quelle aimait coiffer à la Louise Brooks), elle fut le sujet de tableaux célèbres (le Nu couché à la toile de Jouy de Foujita), et lon peut encore et toujours admirer son visage sur quelques clichés de Man Ray devenus images dÉpinal et classiques de la photographie.
Avant Kiki de Montparnasse, il y a la petite Alice Prin, née au début du siècle et élevée par sa grand-mère à Châtillon-sur-Seine. Son père ne la pas reconnue, mais elle le reconnaît elle, plus tard, dans les rues de la ville. Sa mère est partie travailler sur Paris ; Alice vient la rejoindre lorsquelle a 12 ans. Là, elle fait quelques petits boulots avant de devenir modèle pour un sculpteur. Cest le début de son immersion dans la vie artistique de lépoque. Elle fait ainsi la rencontre de jeunes peintres qui se sont installés dans la capitale mais dont la renommée est encore confidentielle: Utrillo, Soutine, Modigliani
Tour à tour, Kiki sera alors muse et modèle, peintre et chanteuse, actrice et mondaine, fréquentant les hommes et les soirées, bousculant les conventions et les règles
Elle connaîtra la gloire puis la déchéance, jusquà sa mort dans un quasi-anonymat, au début des années cinquante. Les dernières pages, derniers difficiles jours de Kiki survolés sans lourdeur excessive, marquent ainsi la fin dune époque, lorsque les lieux restent mais que lâme ny est plus.
Si la vie de Kiki reste en tout point exceptionnelle et riche en événements, on sent que ce qui a aussi motivé les auteurs à nous raconter ce parcours est le fait de pouvoir évoquer tout lunivers singulier quétait le Paris dalors. Lheure est à lébullition créatrice, lÉcole de Paris fait sa rentrée, les surréalistes taillent leurs crayons exquis, lavant-garde est aux avants postes, et les photographes développent de nouvelles expérimentations. Cest aussi une période de bohème débridée : des fêtes chaque soir entre la Rotonde et la Coupole, et des rencontres fugaces, une jet-set avant lheure qui samuse et baigne constamment dans une effervescence créatrice et provocante. Le casting est prestigieux, et chaque page ou presque est loccasion dune nouvelle rencontre avec une grande figure . Et les péripéties de Kiki permettent de mettre en scène nombre danecdotes relatives à cette époque ; ainsi la rupture, à coups de poings, de Breton et des dadaïstes, la rencontre de Picasso et de Man Ray ou encore lorigine dimages devenue célèbre comme Le Violon dIngres.
Parfois, il y a tant de choses à dire que le livre semble devenir une suite de courtes scènes (Kiki tourne un film, Kiki va a New York
), une série de dates plus ou moins marquantes cueillie dans une vie folle, organisée de façon un peu plan-plan. Petites anecdotes et grands bouleversements sont ainsi alignés au même niveau, laspect documentaire risquant souvent de prendre le pas sur la construction dramatique. Heureusement, la majeure partie de louvrage est centrée sur la relation entre Kiki et Man Ray, fil conducteur appréciable auquel sont rattachés les autres événements.
Le personnage se dessine alors peu à peu, dans ces moments choisis par des auteurs au regard objectif, à la sensibilité darchiviste. Et cest ce qui fait finalement la force de ce portrait qui laisse à Kiki son mystère et ses secrets.
Élégamment croquée par le dessin de Catel, charmant et plein de promesses, cette reconstitution reste un très agréable moment de lecture, un beau portrait de femme et une séduisante évocation du bouillonnant Paris dalors.
Alexis Laballery ( Mis en ligne le 10/04/2007 ) Imprimer
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