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Bande dessinée -> Chroniques - Autobiographie |
| Antoine Bouvier Les Enfants sans tête Les Impressions nouvelles - For Intérieur 2008 / 14 € - 91.7 ffr. / 128 pages ISBN : 978-2-87449-047-7 FORMAT : 17x24 cm Imprimer
Cest la mort de Kurt Cobain qui sert de prétexte à louverture du livre. Cinq adolescents discutent des circonstances de la disparition de leur idole ou dune simple référence dans leur monde sans repère. Anne, Sarah, Adrien, Jérémie et Thibault sont peut-être sur le point de devenir leur propre héros : cest quils laissent derrière eux leur enfance. Les voilà qui se coupent les cheveux mutuellement, comme pour renaître tous ensemble. Nous sommes à lété 1994.
Antoine Bouvier part dun moment charnière, des vacances entre amis, pour remonter à coup de flash-back la psychologie dun groupe dados. Et de montrer leur mal-être, leur impossibilité de se trouver des objectifs à long terme. Dune envie à lautre, les garçons et les filles sobservent, sattendent et se désirent. On se doute assez vite que les vacances à cinq ne resteront pas chastes jusquau bout. Mais quel est le couple qui osera franchir le pas ?
Deux rêves dAnne, la brunette audacieuse, ponctuent le début et la fin du récit. Deux rêves de biche qui transportent avec eux la prémonition et le désir de la perte de la virginité. Hormis ces deux occurrences, on ne sait pourtant presque jamais à quoi pensent les personnages. Souvent silencieux, observateurs, ils laissent deviner des consciences troubles, mais sans donner dindices sur le contenu de leur cerveau. Les âmes tourmentées naviguent, sans port, ne sexprimant que par des gestes inattendus. Une bousculade, une médisance, une caresse vite échangée.
Le désir danse avec eux, comme la seule force qui leur permet davancer. La maigreur de la temporalité (dun flash-back à lautre, on ne sort pas de leur dernière année scolaire) donne une impression de stagnation du temps, dont lunique porte de sortie est celle du corps.
Les corps, Antoine Bouvier sait les respecter. Par des silhouettes en pose constante, dans des positions multiples, loin des clichés répétitifs habituels. Il y a de la sincérité dans le physique et dans lesprit.
Mais ces personnages, à force dêtre sincères, finissent par se ressembler. Les jeunes corps ont des similitudes frappantes, que des seins pointeurs ou quelques boucles de cheveux viennent juste détromper. Et leurs caractères aussi semblent nêtre que les facettes dune même personne adolescente, tour à tour jalouse ou solitaire. Lauteur était adolescent à cette même époque, et il ny a pas surinterprétation à dire quil a dû mettre ici beaucoup de lui-même.
Cinq personnages, pris dans un huis-clos, et le sentiment dun vide nauséeux, appelé pourtant à se remplir naturellement. Cest un portrait sensible et authentique du malaise adolescent. Antoine Bouvier ne revendique pas trop linfluence des auteurs américains spécialistes de la chose, comme Clowes ou Burns, pourtant la parenté semble naturelle. Il est simplement plus doux, plus léger, plus fragile aussi dans ses personnages-silhouettes. On ne ressort pas de cette lecture avec le choc dune révélation, mais plutôt avec le souvenir un peu amer des doutes de la jeunesse. La sienne et celle des autres.
Clément Lemoine ( Mis en ligne le 06/05/2008 ) Imprimer | | |
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