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Levallois en banlieue
Laurent Rullier    Stanislas   Victor Levallois (tome 3) - Le manchot de la Butte rouge
Les Humanoïdes associés 2003 /  10 € - 65.5 ffr. / 48 pages
ISBN : 2-7316-6294-8
FORMAT : 22,5 x 29,7 cm
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Attention : titre trompeur ! La « Butte rouge » dont il est ici question n’est pas celle de Bapaume en Champagne, qui reçut ce nom au lendemain de la Grande Guerre, à cause des combats meurtriers dont elle avait été le théâtre ; et le manchot qui l’habite n’y a pas perdu son bras. Du moins rien ne permet de l’affirmer. Ici, aucune référence à la célèbre chanson pacifiste de Montéhus. Non : cette « butte rouge », c’est le quartier qui porte ce nom à Montrouge, en banlieue parisienne ; et le manchot, c’est l’un des gardiens de nuit d’une société aéronautique qui y a établi son usine. Et nous sommes en 1951.

Victor Levallois est rentré de cette Indochine de la fin de l’Empire colonial qui avait été le cadre des deux premiers tomes de ses aventures. «L’aventurier malgré lui», qui faisait déjà contraste avec l’exotisme extrême-oriental, est-il plus à l’aise dans l’ordinaire de la banlieue rouge de ces temps de guerre froide ? On pourrait d’abord croire le contraire : après avoir failli sombrer dans l’alcoolisme, traînant des souvenirs trop lourds à porter, Victor Levallois accepte finalement un petit boulot de gardien de nuit grâce auquel il rencontre ce fameux « manchot » qui l’entraînera (encore malgré lui ?) vers de nouvelles aventures.

Ici, c’est l’espionnage qui fournit le thème du livre – et le contexte de la guerre froide s’y prête merveilleusement bien, qui a déjà fourni le décor de nombreuses histoires de ce genre. La technique de Stanislas, dessinateur également des Aventures d’Hergé, et notablement influencé par ce dernier (l’ingénieur en aéronautique Piotr Rosochowitz a des airs du pilote Piotr Szut de Coke en Stock), s’y prête aussi très bien : à l’instar des aventures de Tintin, celles de Victor Levallois ne méprisent pas, en effet, le suspense de bas de page...

L’exactitude de la reconstitution historique est remarquable. On se croirait en 1951. Certes, l’effort est ici celui du scénariste. Rullier restitue bien les enjeux de l’après-guerre. « Collabos » et « fascistes » sont des insultes usuelles. Les insomniaques de Saint-Germain-des-Prés se retrouvent au Tatou, qui a déjà perdu de sa superbe et que les touristes américains commencent à envahir. Le transistor récemment inventé (1948) diffuse « Papa, Maman, la bonne et moi » et les comptes-rendus des multiples remaniements ministériels...

Mais cette précision doit également beaucoup au dessinateur. L’ambiance du début des années 1950 est parfaitement restituée, que ce soit par le dessin des costumes ou par celui des voitures d’époque évoluant désormais au rythme de panneaux de signalisation, mais qui croisent encore, en banlieue, des carioles tirées par un cheval. La France de l’après-guerre est aussi dans ce bistrot qui propose en plat du jour un « fricandeau à l’oseille » et informe de la tenue prochaine d’un tournoi de belote. Il en va de même des multiples publicités pour Cinzano, Michelin, la crème à cirer Eclipse ou Aéroshell, sans parler des « pin-up » alors importées d’Amérique et qui peuplent les calendriers des appartements des banlieusards de ce temps.

Dans cet espace magistralement reconstitué, Victor Levallois semble un cousin du Théodore Poussin de Frank Le Gall, hésitant entre la volonté de subir les événements et celle de leur résister. Il partage d’ailleurs avec le héros de Le Gall (comme avec le Tintin d’Hergé) un graphisme simpliste quant aux traits de son visage – cette simplicité évidente dont on a pu dire qu’elle avait été un des facteurs du succès de Tintin. Mais son originalité réside précisément dans le décor de la banlieue parisienne, qui vient remplacer l’espace exotique de Théodore Poussin, et qui était jusque-là aussi celui de Victor Levallois. Les grands thèmes de la littérature d’aventure s’effacent logiquement derrière des dialogues inspirés du Michel Audiard des années cinquante («le jour où on mettra les cons sur écoute, tu poseras pas les micros») ; et Victor Levallois semble trouver dans ce décor ses véritables marques, au point qu’on se demande s’il ne lui était pas destiné dès sa création. Les auteurs ne lui ont-ils pas donné d’emblée le nom d’une commune de banlieue ?


Sylvain Venayre
( Mis en ligne le 25/11/2003 )
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