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Bande dessinée -> Policier - Thriller |
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Plongée convenue dans l’espionnage américain | | | Stephen Desberg Hugues Labiano Black Op (tome 1) - CIA et mafia russe Dargaud 2005 / 13 € - 85.15 ffr. / 48 pages ISBN : 2205054910 FORMAT : 25 x 32 cm Imprimer
Le titre de cette nouvelle série, Black Op (opérations clandestines), et son sous-titre, « CIA et mafia russe », affichent demblée les composantes : action, espionnage et « exotisme » américain ; le problème est que le cocktail de ces divers ingrédients ne prend pas tout à fait, tant du point du vue scénaristique que graphique. Trois auteurs à la barre : Stephen Desberg pour les textes, scénariste prolifique et inégal qui a débuté naguère dans Spirou (« Tif et Tondu », « Agent 421 », « Mic Macadam ») puis sest reconverti dans les séries à succès (La Vache, I.R.$ ou Le Scorpion) ou les one-shot (lexcellent Étoile du désert avec Marini, ou lérotisme avec la famille Maltaite, dans la collection Aire Libre chez Dupuis) ; au dessin, Hugues Labiano, qui a déjà uvré avec Jean Dufaux pour la série Dixie Road, tandis que Jean-Jacques Chagnaud assure la mise en couleur.
La narration se déploie sur deux plans ; la première intrigue, située à notre époque, dans les Etats-Unis de George Bush, met aux prises un ancien agent de la CIA avec la mafia russe, à propos de la corruption électorale qui sévirait en Floride. Cette trame principale est entrecoupée dépisodes plus ou moins développés qui retracent, en flash-back, le parcours du protagoniste principal, à la fois sur le plan professionnel (sa formation au métier despion, la première opération extérieure à laquelle il participe, dont le récit occupe un tiers de lalbum) et sentimental (sa vie familiale, amicale et amoureuse), le tout baigné dans lAmérique de la guerre froide. Cette histoire damitié ou damours déçues dans un contexte despionnage nest pas sans rappeler Absolute Friends, le dernier roman de John Le Carré, qui nest pourtant pas son meilleur. Si lassemblage de ces diverses intrigues peut en tout cas paraître habile (deux fils de lintrigue se rejoignent miraculeusement à la fin de lalbum, sachevant ainsi sur un point dinterrogation) et une ou deux phrases bien balancées, créant parfois lambiance, lensemble déçoit cependant.
Les personnages, tout dabord, sont sans réelle épaisseur ni originalité, malgré le procédé de retour en arrière qui est censé leur en conférer ; la faute sans doute à lemploi des clichés, qui ne sont pas par principe rédhibitoires mais dont lusage suppose plus de doigté. Lintrigue pâtit par ailleurs de la narration parallèle de deux histoires, qui exige généralement quil y ait une trame principale, et que la seconde lui soit subordonnée. Or ici, les épisodes secondaires lemportent quantitativement, si bien que le déroulement de largument principal est distillé bien trop chichement pour que lintérêt du lecteur soit retenu. La faute, sans doute, au format de lalbum - les 46 pages traditionnelles et au principe même de la série : en révéler juste assez pour donner envie au lecteur dacheter le deuxième tome. Dosage subtil qui ne fonctionne pas vraiment ici, leffet déparpillement lemportant sur lenvie de connaître la suite. Lensemble est donc trop artificiellement monté pour quon ressente le « sel » de lhistoire, ce petit rien miraculeux qui fait quon ne voit plus lhabileté des auteurs, leur « métier », mais quon a envie de croire à la réalité de ce qui nous est conté ; et le dessin reflète des défauts similaires.
A lexception de la mise en couleur de qualité le graphisme en effet déçoit tout autant. On relève certes un certain savoir-faire technique, pour les décors notamment, quoique ceux-ci soient trop inégalement travaillés et ne visent pas assez à créer des atmosphères, à évoquer tout en racontant. Mais cest surtout le dessin des personnages qui ne satisfait pas, particulièrement le traitement trop schématique des visages, qui oscille entre réalisme et caricature et napporte pas la caractérisation nécessaire, la profondeur psychologique qui manque déjà au scénario. Lensemble, quoique de facture correcte, est donc froid, relativement convenu et ne suscite pas lémotion. A noter que les « bulles » posent problème : leur taille, trop importante, est sans commune mesure avec le texte quelles accueillent, si bien quelles mangent limage quelles sont censées servir, brisent maladroitement la linéarité du strip (lalignement des cases) et alourdissant considérablement la mise en page.
Au total, on a limpression de bien percevoir les références et les visées des deux auteurs, mais le résultat est au-dessous des ambitions affichées. Si lon a tenté ici de dire pourquoi lensemble ne fonctionne pas vraiment, cest pour mieux souligner que lalbum nest cependant pas très loin de ce quon pourrait en attendre ; insuffisant donc, mais perfectible cest ce dernier terme quon aimerait voir pris en compte par les auteurs à loccasion du deuxième tome.
Xavier Lapray ( Mis en ligne le 30/04/2005 ) Imprimer
A lire également sur parutions.com:Le Scorpion (tome 5) de Stephen Desberg , Enrico Marini Le Dernier Livre de la Jungle (tome 1) de Stephen Desberg , Henri Reculé , Johan De Moor | | |
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