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Bande dessinée -> Policier - Thriller |
| Anthony Pastor Hotel Koral Actes Sud - l'An 2 2008 / 22 € - 144.1 ffr. / 120 pages ISBN : 978-2-7427-7328-2 FORMAT : 19x28 cm Imprimer
Anthony Pastor situe son récit dans une sorte de Floride ensoleillée, avec hôtel à la déco seventies un peu kitsch devenu refuge pour riches retraités. Autour, cest le grillage, la guerre civile qui sest achevée mais dont les décombres jonchent les sols et les esprits. Cest dans cette prison dorée que différents personnages viennent alors graviter, des individus aux motivations troubles et dont les personnalités indistinctes le resteront jusquau final. Lhistoire met ainsi en relation une jeune femme journaliste, cest du moins ce quelle prétend, débarquant à lHotel Koral sur les traces dun vieil homme rôdant aux alentours. Il y a aussi le gérant de lhôtel, un jeune motard violent et nerveux, et un vieux résidant taciturne. Les personnages sont placés, peuvent débuter les règlements de comptes à lHotel Koral, le tout baigné dans une ambiance de fin de règne et de déclin.
Comme dans Ice Cream, le précédent livre dAnthony Pastor, tout est ici affaire de rencontres, de personnages qui se croisent et se cherchent, de fils qui se tissent, éclairant peu à peu la lanterne du lecteur au départ un peu perdu.
Et comme dans Ice Cream, la narration se déroule sous la forme régulière de deux larges vignettes par page, comme des photos collées dans un album, accompagnées par un texte en légende. Implacable procédé qui fait ressembler cette suite dimages au cadre fixe et au traitement graphique hyper réaliste à une séquence composée de photogrammes extraits dun film. Comme si un artiste performeur avait soigneusement choisi, à la loupe sur sa table de montage, linstant prégnant, là où tout se joue, lorsque le visage est grimace, lorsque le rictus se tétanise, lorsque la lumière nest quun rai éblouissant.
Et comme dans Ice Cream, le résultat est époustouflant, unique et singulier, loin de toutes modes et de toutes tendances, de tous les cadres, de tout ce quon peut lire à côté.
Et contrairement à Ice Cream, cette fois, qui lorgnait du côté du film noir, Hotel Koral joue la carte de la couleur ; Anthony Pastor réussissant là un tour de force graphique, réalisant un travail quon imagine titanesque et qui relève dun système précis (hachures et superpositions) dénotant une incroyable rigueur, un grand sens de lobservation, et de son interprétation sur papier. Les couleurs sont celles dune Amérique rêvée, mais définitivement dépassée. Les teintes ont viré, le bleu du ciel immense au-dessus des grands espaces est devenu jean délavé, les rouges rosissent et les jaunes ont sali. Lensemble devient le tableau cru et un peu vulgaire dun monde qui a du mal à relever la tête et qui se complaît dans le mauvais goût et la violence.
Faiseur dambiances, Pastor fait de chacune de ses images une petite scène caractéristique et expressive, forçant le trait, jouant dune vision grand angle qui vient déformé les perspectives, ou de la macro qui vient sattarder sur des doigts de pieds vernis ou sur un hamburger à moitié mâché. Lhôtel aux longs couloirs déserts devient, avec son surplus de confort désuet et raté, aussi chaleureux quun hôpital. Les textes sont réduits au minimum, et cest limage qui en dit beaucoup, faisant mine de donner des indications au lecteur (un décor très seventies, un motel) avant de le perdre (le grillage, le lieu resté indéfini). Cest ce goût pour les petits écarts, les légers décalages qui fait que, imperceptiblement la lecture devient bizarre et inquiétante. Lenvironnement familier qui ne correspond finalement pas à ce que lon présageait, les silences, les secrets qui le resteront, tout concourt à faire de ce récit une sorte détrange thriller rêvé, cauchemardé plutôt, comme le scénario improbable dune uvre fantôme, décalée, mais marquante.
Avec ce deuxième livre puissant et original, Pastor saffirme définitivement comme un auteur avec qui il faut désormais compter.
Alexis Laballery ( Mis en ligne le 17/03/2008 ) Imprimer
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