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Bande dessinée -> Revues, essais & documents |
| Thierry Groensteen Un objet culturel non identifié Editions de l'An 2 - Essais 2007 / 19.50 € - 127.73 ffr. / 208 pages ISBN : 2-84856-078-9 FORMAT : 16,5x23 cm Imprimer
Si la bande dessinée connaît aujourdhui de belles heures éditoriales et commerciales, son statut reste toujours dangereusement précaire. Intermittent de la culture, voilà un objet qui, malgré quelques belles réussites dignes dun Pulitzer, ne resterait toujours quanecdotique et ne produisant que des bulles de divertissement prêtes à éclater au moindre frémissement dintelligence. Quel bédéphile averti na pas eu ce désagréable sentiment dêtre pris pour un malheureux imbécile lorsquil déclare lire régulièrement des bandes dessinées ? Pire encore, le même admire certaines planches comme dautres vont au musée, analyse linteraction des cases lorsque le cinéphile fait du découpage de plans, et peut sémouvoir devant ces « romans graphiques » (comme ils disent) autant quà la lecture dun « roman textuel ». Cest que, même si désormais de respectables maisons dédition comme Gallimard ou Actes Sud ont leur propre collection de bande dessinées, lobjet reste souvent ignoré et en grande partie injustement méconnu. Et il nest malheureusement pas faux de dire quune large partie de la production reste franchement peu réussie pour ne pas dire plus. Lindigente production alimentant les critiques et haussements dépaules, et le cercle de devenir vicieux. Cet essai revient sur les origines et les causes de cet état de fait et sur les nombreux accidents de parcours qui ont fait que le Neuvième Art (puisquon lui a malgré tout accordé cette appellation
) soit
aujourdhui toujours aussi mal perçu, parfois à tort, et parfois, hélas à raison.
Dans un premier temps,Thierry Groensteen sattache à pointer quelques idées reçues sur la bande dessinée qui sont devenues insidieusement de cruels instruments de décrédibilisation : ainsi les petites vignettes nont pas la majesté dune toile de maître, de même que les illustrés ne se débarrassent pas
facilement dune certaine suspicion dinfantilisme
La bande dessinée souffre en effet de « cinq handicaps symboliques » qui la cantonnent à ne rester, pour certains, quun art mineur, un sous-art bâtard et sans grande envergure ni ambition. Par la suite, Groensteen savère encore plus incisif et tout le monde en prend quelque peu pour son grade : les éditeurs, les journalistes, les gouvernants et les associations
Tous coupables ! Avec pertinence et clarté, lauteur fait linventaire de toutes les casseroles qua dû (et doit encore) trimballer la bande dessinée. Ainsi, est développée une réflexion pleine de justesse autour de la loi des séries et des genres ainsi que le sacro-saint format du 48 pages qui nont fait quaffaiblir le media en lempêchant de se départir dune certaine étiquette de littérature de gare; albums devenus maillons dune chaîne de production à grande échelle peu soucieuse du contenu. Certains passages feront grincer quelques dents (dont certaines de requins), notamment lorsque Thierry Groensteen revient sur les deux grands courants que connaît la bande dessinée depuis plusieurs années, à savoir lHeroic Fantasy et le phénomène des mangas. De même, un retour éclairant sur les défenseurs de la bande dessinée et leurs différentes actions depuis les années soixante, ainsi que lanalyse de la politique du gouvernement et des querelles autour du Festival dAngoulême ou du fonctionnement du CNBDI (rappelons que Groensteen a été Directeur du Musée de la bande dessinée de 1993 à 2001) saccompagnent dune critique aussi vivante et polémique quelle reste pleine de bon sens. Au final, cest tout lédifice qui est observé, en tentant avec précision de comprendre les mésententes et malentendus, pointant les erreurs fatales et les entreprises avortées, et cherchant à toucher et alerter aussi bien les bédéphiles passionnés que ceux pour qui la bande dessinée reste encore synonyme de « petits miquets ».
Lessai est passionnant, fait souvent mouche et brosse le portrait à la fois sans concession et teinté dune certaine amertume dun petit monde qui ne tourne pas bien rond. Car finalement, Un objet culturel non identifié reste une belle déclaration damour faite à la bande dessinée, à ses possibilités et ses forces et aux nombreux plaisirs de lecture quelle peut procurer.
Alexis Laballery ( Mis en ligne le 02/01/2007 ) Imprimer | | |
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