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Bande dessinée -> Humour |
| Pierre Senges Nicolas de Crécy Les Carnets de Gordon McGuffin Futuropolis 2009 / 22 € - 144.1 ffr. / 96 pages ISBN : 978-2-7548-0256-7 FORMAT : 24x27,5 cm Imprimer
Que serait le cinéma dAlfred Hitchcok sans « McGuffin » ? Cet élément du scénario auquel on sattache et qui ne se révèle finalement quanecdotique, un hameçon, un leurre toutefois essentiel à la construction dramatique du récit et à la montée du suspense. Un verre de lait, une valise, un espion en fuite
nimporte quoi/qui peut faire office de « McGuffin ».
Et que serait le cinéma sans Gordon McGuffin ? En effet, et beaucoup font mine de lignorer, Hitchcock a donné à son fameux concept scénaristique le nom dun illustre inconnu, celui-là même qui apprit au réalisateur, un jour de 1942, les rudiments du film à suspense : Gordon McGuffin donc. Lhistoire du cinéma a eu vite fait doublier le pauvre homme ; McGuffin nest pourtant pas un novice en la matière. Il a tutoyé Cecil B. De Mille (il joue même le cordonnier barbu qui perd sa sandale dans la scène du passage de la Mer Rouge dans Les Dix Commandements
), appelé Orson Welles Orson, croisé Chaplin mais rata Marilyn, présenté Jerry Lewis à Stanley Kubrick (avec le résultat quon ne sait pas), et fut lauteur de la fameuse réplique « Oups, sorry ! » dans Casablanca. Bref, un maillon fort, un acteur clé, et ce malgré les nombreux échecs et projets avortés qui ont ponctué sa carrière. Ces carnets retrouvés, et enfin publiés, sont loccasion de rendre hommage à ce génie méconnu, et rendre un prénom à McGuffin.
Responsables de cette exhumation, Pierre Senges et Nicolas de Crécy mettent à jour un talent singulier, un flot didées folles, de scénarii incroyables, une vie mouvementée pleine de rencontres, et des souvenirs à la pelle.
On laura compris, Les carnets de McGuffin cest un gentil délire absurde, une création chimérique au pays du cinéma, une farce à quatre mains. Cest avant tout un prétexte pour parler de cinéma, imaginer lintimité des stars, refaire les films, et en inventer dautres. Cest lâge dor du cinéma que McGuffin traverse, lère des grands studios et du Hollywood tout puissant ; les étoiles sont au zénith, les grandes productions resteront dans les mémoires, les auteurs maudits galèrent, mais les classiques senchaînent.
Pour illustrer des propos toujours au-delà du raisonnable, Nicolas de Crécy se plie dabord au jeu du carnet : le trait est jeté, rapidement hachuré, les compositions parfois bancales, et une certaine impression dinachevé parcourt plusieurs pages, comme des notes prises au vol, balancées sur le vif. La fantaisie sort souvent de ses gonds, larguant les amarres du texte pour sen aller vers un ailleurs encore plus étrange, encore plus décalé. On sent ici limprovisation souffler des ordres au dessinateur qui ne peut que sexécuter, obéissant de bonne grâce. Le créateur de New York sur Loire est ici dans son élément : un univers fait de références et de décalages insolites. Un bestiaire impossible et des situations irréelles où le quotidien dérape.
Le résultat est un drôle de beau livre, dont on aurait aimé peut-être encore plus dinvestissement et de profondeur. Sil reste un agréable exercice autant textuel que graphique, très amusant et illustré avec panache, louvrage ne va en effet nulle part, se contentant daligner les idées saugrenues, les notes débiles, sans chercher à donner à lensemble une plus grande portée que le simple canular. Gordon McGuffin reste un fantôme, un esprit transparent, à la fois improbable génie et pathétique loser, une voix blanche. Peut-être pour laisser le mythe intact ?
Alexis Laballery ( Mis en ligne le 23/02/2009 ) Imprimer
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