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Bande dessinée -> Humour |
| F'murrr Le Génie des Alpages (tome 14) - …courent dans la montagne Dargaud 2007 / 9.80 € - 64.19 ffr. / 48 pages ISBN : 9782205057140 FORMAT : 29,7x22,3 cm Imprimer
Ah, Fmurrr ! On le croirait échappé dune autre époque, avec cette série absurde qui samuse dans le même univers immuable depuis trente-trois ans. Pourtant, Le Génie des alpages na pas pris une ride. Peut-être en avance sur son temps, Fmurrr a toujours multiplié les jeux de forme, « oubapiens par anticipation », selon la formule. Avec une conscience historique, il a aussi remis au goût du jour les plaisirs desthètes de Krazy Kat publiés dans les années 1930. Finalement, chaque nouveau tome sort du temps et restaure une continuité à peine interrompue.
Il y a peut-être une once de nostalgie pourtant dans ce quatorzième album, titré «
courent dans la montagne » en hommage à la chanson Mes jeunes années de Charles Trenet. Mais rien ne change dans les alpages, à lécart de toute introduction technologique. Les histoires courtes (il est difficile de parler de gags) en une à quatre planches sarticulent toujours autour de la vie du jeune berger Athanase, son chien, sa copine et ses pulls bariolés. Le casting célèbre aussi pour loccasion un duo de brebis farfelues et individualistes, Chicoungougnette et Tombedkamionne, qui se livrent à de nombreuses expériences métaphysico-intellectuelles.
Les alpages abritent également des personnalités plus rares : orateur politique en mal de public, journaliste stagiaire à la Montagne, vendeur de couvertures indiennes, berger remplaçant passionné par les Rhinogrades
Le temps de ces passages éclairs, Fmurrr sautorise des dérives folles, des joutes verbales avec ou sans interlocuteur, où le milieu montagnard sert à peine de décor aux plaisirs dun délire argumenté.
Difficile de parler de technique narrative dans une série qui séloigne autant dun axe unique ; mais il y a bien une façon de raconter spécifique à Fmurrr, un mouvement logique quon retrouve de planche en planche. Le discours sy tient aux frontières du sens ; attiré par la forme pure, les sous-titres, les vers lyriques, les débats et les émissions de radio ineptes, la conclusion de chaque épisode demande malgré tout à lauteur de bien vouloir retomber sur ses pattes, en effectuant une chute, un retour à la normale, ou tout brusque changement qui pourra refermer la parenthèse.
Depuis quatorze albums, Fmurrr ouvre et ferme des parenthèses. Avec un humour et une originalité qui nappartiennent quà lui, mais qui atteignent lhumanité par la bande. Métaphysiques à leurs heures, les moutons sinterrogent sur élaboration de statistiques significatives et sur lascèse contemplative. On a rarement fait classique plus intellectuel. Certains clins doeil, certaines phrases, donnent honte au lecteur dépourvu du bagage culturel conséquent, mais le nombre de gags au centimètre carré lentraîne sur une pente qui (forcément) monte et descend. Un nombre de gags qui décroît pourtant, car Fmurrr, avec le temps, épure ses vignettes de ses décors fantastiques. Labsurdité reste reine, mais occupe le centre de la narration. On nen rit pas moins, mais on se laisse peut-être porter plus facilement par la poésie de cet univers.
Clément Lemoine ( Mis en ligne le 23/04/2007 ) Imprimer
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