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Bande dessinée -> Humour |
| Miguelanxo Prado La Demeure des Gomez Casterman 2007 / 9.80 € - 64.19 ffr. / 48 pages ISBN : 9782203370197 FORMAT : 22,5x30 cm Imprimer
Les plus grandes déconvenues commencent par de grandes joies : cest jour de fête aujourdhui pour les Gomez ; la tante Isoline vient de mourir et la famille sen va courir chez le notaire récupérer le magot quon imagine forcément mirobolant. Malheureusement, la récolte est finalement maigre et la demeure familiale dont on avait un souvenir fabuleux savère être un taudis mal conçu, à la drôle darchitecture de guingois, et perdue sur un terrain plus que vague, inconstructible et sur lequel on finira par trouver dauthentiques ( ?) vestiges celtes. Bref, lhéritage est plus que malheureux et cest le début pour la famille Gomez dune suite de mésaventures immobilières au pays des promoteurs sans scrupule et des entrepreneurs véreux.
Chez Miguelanxo Prado, tout le monde est toujours un peu pourri. La méchanceté gangrène chaque individu et personne ne semble se préoccuper de son prochain si ce nest pour lenvoyer paître. Lidiotie et la fourberie restent donc les seules valeurs humaines ici représentées, hissées à leur plus haut niveau par des candidats motivés et champions dans leur domaine. La farce est cruelle et ne fait pas de cadeau, chacun des intervenants en rajoutant une belle couche, la bêtise humaine dans toute sa splendeur. On retrouve donc ici lunivers de Prado, ses thèmes privilégiés et ses cibles favorites : les grands patrons, la bureaucratie bornée, les petites gens mesquins.
Hélas ici, la farce tourne vite court et La Demeure des Gomez, au-delà dun impeccable sens de la narration, savère être une déception. Certes la machination diabolique qui se referme peu à peu sur les Gomez ne manque pas de piquant, et la rigueur du scénario est un indéniable atout, mais lhumour fonctionne plutôt à plat et a finalement du mal à se dépatouiller de ces intrigues capitalo-promoto-immobilières qui monopolisent le récit. Au bout du compte, les manigances de chacun finissent par lasser et ne plus étonner, et la caricature perd quelque peu de sa force. Les personnages, nombreux, sont réduits à nêtre que de fragiles silhouettes, sans grande épaisseur, jouant un rôle bien défini (le banquier, lentrepreneur, lado
) et proposant quelques maigres réparties.
Lautre déception vient du dessin même de Prado. Il opte ici pour un semi-réalisme classique, laissant au placard les faciès désarticulés et autres expressions outrées qui faisaient le bonheur de ses Chroniques absurdes. Lensemble est plus convenu, moins surprenant et, dans cette intrigue rondement menée, le graphisme ne donne pas non plus lenvie de sattarder. Enfin, en choisissant de faire ses couleurs en numérique, abandonnant les aquarelles, le visuel manque furieusement de personnalité et de panache. Les taches de couleurs, appliquées plus ou moins grossièrement, notamment dans les modelés des visages, les cheveux ou les surfaces herbeuses sont loin de faire oublier la finesse des aquarelles du dessinateur espagnol. Certes, le résultat est loin dêtre honteux ou même affligeant, mais lorsque lon connaît limmense talent de Prado, de Stratos à Trait de craie en passant par Pierre et le Loup et Venin de femmes, on ne peut quêtre désappointé. On se doute que le dessinateur expérimente là une nouvelle manière de travailler, plus rapide et fonctionnelle, dommage que la maîtrise de loutil ne soit pas encore totalement au rendez-vous.
Alexis Laballery ( Mis en ligne le 23/08/2007 ) Imprimer
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