|
Bande dessinée -> Jeunesse |
| |
Goupil rusé qui fait sa loi | | | Mathis Thierry Martin Le Roman de Renart (tome 2) - Le Puits Delcourt - jeunesse 2008 / 8.90 € - 58.3 ffr. / 32 pages ISBN : 978-2-7560-0945-2 FORMAT : 22,6x29 cm Imprimer
Entre le premier et le second volume de cette série, le texte du Roman de Renart a eu lexpérience de voir naître une deuxième adaptation contemporaine en bande dessinée, signée Bruno Heitz (Gallimard). Mais si celui-ci a pris le parti de la naïveté et de lapparence enfantine, Mathis et Martin, eux, continuent sur leur lancée une belle illustration cynique et pointilleuse du classique médiéval.
Parmi les nombreux fragments versifiés et anonymes à leur disposition, les auteurs nous ont réservé pour ce deuxième tome une des aventures les plus connues du Roman de Renart, celle où le rusé goupil tombe par mégarde au fond dun puits. Incapable den remonter seul, dans la nécessité quil est du mouvement de balancier des seaux, il finit pourtant par sen sortir en persuadant le stupide Ysengrin de venir prendre sa place : il lui a suffi pour cela de décrire un paradis de gibier à croquer. La bêtise du loup éclate une fois de plus dans cet épisode.
Mais ce deuxième volume reprend aussi des farces moins connues, mettant en scène Drouineau le moineau ou Brun lours. Mathis effectue ainsi un travail de retissage, composant une trame nouvelle à partir de fragments épars. Il dépoussière savamment le Roman, jusquà lironique anachronisme de lexpression « vendre la peau de lours avant de lavoir tué ». Lobjet est ici de faire monter la sauce, en développant autour de Renart le sentiment de son machiavélisme. En ouvrant et en fermant lalbum sur des meurtres de victimes innocentes, il en fait un héros bien sombre, et nous fait douter, en fin de compte, du public jeunesse à laquelle on destine toujours cette uvre. Renart suit-il lappel de son ventre, en dévorant les oiseaux et les lapins ? Ou bien nest-il quun serial killer des temps anciens, un tueur pervers manipulant ses victimes avant de les faire disparaître ?
Ce nest pas tant affaire de psychologie ; les auteurs sont avares de gros plans, où Martin convainc peut-être un peu moins lorsquil sagit dexprimer la diversité des visages. Les cadrages nous montrent le plus souvent des animaux en pied (ou devrais-je dire, en patte) dans un décor plus ou moins étendu. Dans lattirail formel, la plongée aussi fait bonne figure. Aussi, les personnages apparaissent comme des êtres fragiles, distants, dont on accepte les avatars comme autant de faits accomplis, un conte issu de limagination dun narrateur extérieur. Cest la nature qui a la part belle, la nature qui marque sa supériorité sur tous les êtres.
Martin excelle particulièrement à dessiner les arbres. Il prend donc un plaisir certain à les accumuler, au milieu des abbayes et des tours moyenâgeuses. De larges souches noueuses aux branches ombragées, aux feuilles nombreuses. Les saisons glissent dessus comme en écho à la vie quotidienne des humains, moines et vilains en proie aux labeurs.
La fin de lalbum réserve un léger renversement narratif : Renart sélève du statut de farceur pour devenir un véritable hors-la-loi, en refusant les décrets instaurés dans le royaume. En multipliant les mécontents contre lui, le goupil ne se rend pas compte quil augmente aussi ses risques : le troisième volume devrait marquer la fin de la série.
Clément Lemoine ( Mis en ligne le 21/01/2008 ) Imprimer
A lire également sur parutions.com:Le Roman de Renart (tome 1) de Mathis , Thierry Martin
Ailleurs sur le web :Le blog de Thierry Martin | | |
|
|
|
|