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Bande dessinée -> Illustrations, graphisme et dessins d’humour |
| Lorenzo Mattotti Carnaval Casterman 2007 / 24.95 € - 163.42 ffr. / 120 pages ISBN : 978-2-203-00577-8 FORMAT : 25x27 cm Imprimer
Lorenzo Mattotti est un des plus grands dessinateurs contemporains : il faut le répéter, car on ne le dit pas assez souvent. On peut admirer ses bandes dessinées, lorsquil travaille sur un de ses scénarios ou sur celui dun de ses amis. On peut aussi admirer son travail, dénué de toute volonté narrative, dans des livres éclatants dillustrations.
Cest le cas, une nouvelle fois, dans ce Carnaval. Dune plongée à Rio de Janeiro, il est revenu avec une foison dimages éclatantes.
Une préface savante dune spécialiste de la musique populaire brésilienne raconte brièvement lhistoire du carnaval. Une préface utile aux lecteurs ignorants, attirés par la couverture splendide et le nom de Mattotti. On y apprend lorigine de la samba et du batuque, développés par les Bantous en Angola et au Congo. Les esclaves brésiliens ont perpétué la tradition, en lenrichissant parfois au fil du temps des influences des danses européennes. Et dans les années 1920, ce sont les écoles de samba qui en font un symbole de lidentité nationale. On suit encore la naissance du carnaval, dabord simple défilé musical de ces écoles, puis son basculement dans le registre plastique et scénique.
Et pour rendre le plastique, Mattotti est bien placé. À chaque chapitre, le point de vue dun historien, dun chanteur ou dun scénographe nous permet de situer dans son contexte telle ou telle tradition : les piliers de la Velha Guarda, ou le ballet du couple mestre-sala et porta-bandeira. Mais au bout de quelques lignes, on rentre dans le vif du sujet avec ces illustrations toutes en énergie.
Mattotti est un des maîtres du pastel. Il le prouve encore avec ses couleurs lumineuses, un vif qui envahit les personnages comme le décor, les chars comme le fond de limage. Les dessins sont presque tous oubliés à bord perdu (cest-à-dire sans marge), de sorte quon a limpression de ne voir quun détail perdu dans un immense carnaval. Lil de lartiste nous saute dautant plus aux yeux.
Peu de foule, peu de rues de Rio. Des danseurs équilibristes qui se tiennent en travers de la page, saisis dans linstant, comme si le dessinateur navait mis à les reproduire que le temps de leur défilé. Et même lors des quelques images plus douces prises dans un atelier de construction, la sensation dune démesure, dune folie, lubris des hommes à la conquête de quelque chose de plus grand queux.
Chaque page est différente, et pourtant, le dessinateur nous propose parfois différentes versions de la même image, en noir et blanc, en couleur, sous toutes les coutures. On tourne autour des danseurs sans en percevoir jamais lentièreté, et on devine bien au contraire la subjectivité du choix des couleurs, qui assure des émotions du cur de lartiste autant que les costumes qui lont inspiré.
On se sent certes bien au cur dun carnaval, promené de part et dautre, mais on ne sait pas toujours ce qui vient ici de Rio, photos et croquis pris sur le vif, et ce qui vient de la réinterprétation ultérieure, paysage intérieur dun artiste enluminé.
Lunivers de Mattotti saccommode fort bien de cette idée de carnaval. Son goût pour le baroque, pour le déséquilibre, pour le chatoiement, prend tout son sens dans ce contexte bigarré. Un événement qui a trouvé son peintre.
Clément Lemoine ( Mis en ligne le 18/12/2007 ) Imprimer | | |
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