| Claude Duneton Nestor Salas Les Origimots Gallimard Jeunesse 2006 / 14.50 € - 94.98 ffr. / 113 pages ISBN : 2-07-057343-5 FORMAT : 15,5cm x 21,5cm Imprimer
Qui ne sest pas amusé, parfois, à lire le dictionnaire pour le plaisir de dénicher de «drôles de mots» plutôt que pour sinstruire ? Claude Duneton, lui, ne sarrête pas à ces mots qui attirent lil. Loin de là : les «origimots» de sa lexicographie sont généralement communs par laspect qui aurait questionné «auréole», «baguette» ou «légende» ? , mais cest leur origine qui est
originale.
Doù viennent-ils ? Du grec ? Du latin ? Cest loin dêtre si simple, car le mot, même sans «valise», voyage. On en connaît quelques-uns, comme tabac, boucan, ou redingote, mais imagine-t-on seulement létrange parcours darlequin, qui quitte la France pour lItalie, puis regagne sa première patrie ? Quant à la patate, que lon dit venir dHaïti, elle provient en fait du Chili, où les Indiens Quechuas lui donnaient le nom de «papa». Le croisement linguistique a été vite fait avec le mot «batata» ou patate douce, que les Espagnols importaient déjà, dautant que «papa» était déjà en usage pour désigner le pape. Le mot «haricot» qui vaut aussi son pesant de «cacahuètes» (cen est un autre qui intéresse Duneton) vient-il aussi de lAmérique du Sud ? Encore une fois, ce nest pas si simple
Certes, il détrône les «fèves» et «flageols» au moment où l«ayacoti» (en aztèque), «alubia» (en espagnol), était importé en France ; mais cest de «haricoter», autrement dit «couper», «déchiqueter», quil vient en fait, en raison de son association avec les ragoûts de viande coupée en morceaux.
Nombreux sont les mots qui, sans aller si loin, dévoilent une origine surprenante : corbillard, larve, parfum, pieuvre, restaurant, et bien dautres encore, valent ainsi le détour dune lecture. Nous vous invitons donc à suivre le guide : avec Claude Duneton, petits et grands, découvrez le merveilleux monde des mots, sa géographie et son histoire (car lauteur nous invite aussi à remonter le temps, du 20e siècle au Moyen Age). Cest un plaisir à lire, en continu ou dun mot à lautre, pris au hasard. Et leffet général ressenti nest guère différent de lillustration qui a été choisie pour la première de couverture : la Tour de Babel en volcan éructant / éruptant des centaines de mots.
Les illustrations de Nestor Salas ont le mérite dêtre à propos tout en étant toujours drôles, et dappeler à notre mémoire des référents culturels qui enrichissent la compréhension des «origimots». Une pieuvre qui, dun bout de tentacule, tourne délicatement les pages dun volume dHugo, nous rappelle, dun coup, ce quon savait déjà : le poète de Guernesey, et de la mer, qui introduit en littérature largot des pêcheurs. Il faut dire que Nestor Salas, dont on croise souvent le trait dans la presse, avait merveilleusement illustré Victor Hugo, les sept poèmes en délire (Hatier, 2004). Il réitère avec talent : cest drôle, cest fin, cest beau.
Rachel Lauthelier-Mourier ( Mis en ligne le 17/10/2006 ) Imprimer | | |