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Histoire & Sciences sociales -> Poches |
| Thomas Paine Les Droits de l'homme Belin - Poche 2009 / 8 € - 52.4 ffr. / 384 pages ISBN : 978-2-7011-5169-4 FORMAT : 10cm x 17cm
L'auteur du compte rendu : Alexis Fourmont a étudié les sciences politiques des deux côtés du Rhin. Imprimer
Une victoire sur l'obscurité. C'est ainsi que Thomas Paine considère l'impact des révolutions d'Amérique et de France. Celles-ci, écrit-il dans son ouvrage Les Droits de l'Homme, «ont jeté sur le monde un rayon de lumière qui a pénétré jusqu'en l'homme». L'impéritie des tyrans aurait fini par extirper l'humanité de sa torpeur. Leurs abus, continue-t-il, ont «excité les peuples à réfléchir en les rendant sensibles : et une fois que le voile commence à se déchirer, il n'est plus possible de le raccommoder. L'ignorance est d'une nature toute particulière ; une fois dissipée, il est impossible de la rétablir» (pp.182-183). Épousant sans ambages ni réserve la cause des Sans-culottes, Paine soppose aux conservatrices Reflections on the Revolution in France de Burke. La controverse se cristallise, notamment, autour de la question des droits de l'Homme.
Se fondant sur «l'idiome des droits naturels de l'individu et de la souveraineté du peuple», le discours politique de l'auteur du Sens commun est «apte à se répandre et à franchir les frontières». Il est universalisable à l'envi. D'ailleurs, homme didée autant que daction, «Paine ne se contente pas, comme tant d'autres, de le bavarder. Il l'agit» (pp.6-7), et ce tant dans le Nouveau Monde que sur le Vieux Continent. Pour cette raison, il sera personnellement inquiété pendant la Terreur. «Il ne s'agit pas de savoir, avance Paine qui se fait messianique, si ces principes pressent avec plus ou moins de force dans le moment actuel. Ils sont sortis ; ils parcourent le monde, et aucune force ne saurait les arrêter. Comme un secret divulgué, il ny a plus moyen de les rappeler ; et il faut être aveugle pour ne pas voir quil se fait déjà des changements» (p.58).
«Tout bascule vers lavant» (p.58) : inexorablement, les droits de lhomme sont en mouvement. De conquête en conquête, ils cheminent. La liberté serait en quelque sorte contagieuse. «La cause du peuple français, déclare le pamphlétaire, est celle de toute lEurope, ou plutôt celle du monde entier ; mais les gouvernements de tous les pays ne lui sont aucunement favorables» (p.77). Le «mouvement» - pour reprendre des formules qui feront florès plus tard, sous la Monarchie de Juillet - se heurte à la «résistance», que Burke entend dune certaine manière incarner.
Point par point, Paine réfute largumentaire du conservateur. Contractualiste, Paine divise les droits de lHomme en deux catégories : «les droits naturels» dune part et «les droits civils» (p.118) de lautre. Il explique que «tout droit civil dérive dun droit naturel». Ainsi, lindividu dépose certains droits «dans la masse commune, et préfère la force de la société dont il est membre à sa force individuelle. La société ne lui accorde rien : tout homme en société est propriétaire, et tire, de droit, sur la masse commune» (p.119).
«LAssemblée Nationale, poursuit Paine, doit ouvrir un magasin de lumières ; elle doit faire connaître à lhomme le caractère de lhomme ; et plus elle le rapprochera de ce point, plus elle sera forte» (p.151). Lobjectif quassigne Paine à la Révolution française nest pas des moindres : elle doit tendre à la «régénération de lhomme» (p.177) ! Autrement dit, la Révolution française, de même que les autres, vise à rétablir le droit violé par les gouvernements.
Ceux-ci, Paine les divise en «trois classes», selon les «sources» dont ils proviennent. «Le premier, affirme-t-il, fut un gouvernement de prêtres ; le second de conquérants, et le troisième de la raison». Leur évolution est inéluctable. Dédaigneux, Paine compare à ce propos lhostilité à la Révolution des thuriféraires de lancien régime aux «gémissements du vice blessé» (p.177). Le passage à un gouvernement basé sur «lintérêt commun de la société et les droits de lhomme» (pp.120-121) sopère entre autre grâce à linstauration dune constitution, laquelle lui est «antérieure» : «la constitution dun pays nest point lacte de son gouvernement, mais celui du peuple qui constitue un gouvernement» (p.122).
Loin de tomber en désuétude, les droits de l'Homme constituent aujourdhui encore une pomme de discorde et sous-tendent les débats sur la notion de droit dingérence. Lactualité de la réflexion de Paine demeure donc totale, puisque les discussions sont vives entre ceux qui nient luniversalité des droits de lhomme et les tenants de «lextirpation entière du despotisme et du gouvernement corrompu» (p.373), cest-à-dire dune démocratisation du monde, y compris à marche forcée
Alexis Fourmont ( Mis en ligne le 08/06/2010 ) Imprimer | | |
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